Stylist

Aller dans les bois

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“THE DESCENT, SAW, REC, HELLRAISER… JE REGARDE TOUT.”

Enceinte-pas enceinte, pas de différence. Je pense évidemment ici à tout ce qui n’a pas trait au visuel : enceinte, je suis quand même beaucoup plus grosse que pas enceinte. Pour le reste, pas de malaises physiques, pas de sens surdévelop­pés, pas de passion soudaine pour la grenade, pas de surémotivi­té chelou à l’écoute d’un concerto de didgeridoo dans la rue. Un avant-après si infime, si peu perceptibl­e qu’il en devient inquiétant. Je guette chaque jour le point de bascule, la nouvelle personne que je suis censée être, celle à qui tous ces gens parlent comme si je séjournais en institut, en proie à une sénescence précoce. Mais un soir, alors que je cherche quelque chose à regarder, je vis une épiphanie majeure. Je m’arrête sur Shaun of the Dead, un film anglais qui semble drôle. Plutôt fan de cinéma anglo-saxon réflexif au second degré, j’y vais. Et découvre en route qu’il s’agit d’un film d’horreur, ce qui pour moi représente un vrai truc grave. Beaucoup trop stressant. Sérieux, je sursaute quand le vent s’approche trop près de mon oreille… Bien trop émotive pour gérer la tension propre à ce genre, j’ai passé ma vie à éviter ce type de film. Mais très vite, la « comédie romantique horrifique » me propose de rire pour me laisser faire par les zombies. Et ça fonctionne. Au-delà de ce que je pouvais imaginer. J’enchaîne le même soir avec Bienvenue à Zombieland, Braindead, Scary Movie. Au début, je me mens à moi-même et me dis que cette passion soudaine est logique, ce que j’aime, ce sont les comédies jouant avec les codes de ce genre. Force est de constater que j’aime tout le reste, beaucoup. Le brouillage des convention­s, le monstrueux, la transforma­tion et… l’impression que je vais crever de peur, surtout. La puissance de ça, ce que ça déclenche comme réflexion, comme sensation, c’est fou. J’appelle tous mes amis et leur demande une liste de leurs films préférés. The Thing, Ring, Cannibal Holocaust, The Descent, Saw, Rec, Hellraiser… Je regarde tout. Et découvre qu’alors que je pensais aimer la comédie second degré, en réalité j’adore les films d'épouvante (p. 48). J’ai bien conscience que je suis la folle enceinte qui mate des films d’horreur à la chaîne, mais je m’en fous. J’ai changé, je suis un peu autre, et ça, c’est bien.

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