REBATTRE LES CARTES
à l’impérialisme des empires coloniaux, jusqu’à la propagande nazie qui utilisait les cartes comme outil de conquête. « Les cartes n’ont jamais été neutres et ont toujours servi des intérêts économiques et politiques, rappelle Irène Hirt, chercheuse au CNRS, qui travaille notamment sur les impacts de la cartographie. Michel Foucault disait que les cartes sont un instrument de savoir-pouvoir. Une pensée théorisée par le grand historien de la cartographie Brian Harley pour qui “au même titre que les fusils, les cartes ont été les armes de l’impérialisme”. » Le cartographe est devenu en quelques années le gourou de la « cartographie critique », un courant de recherche entre géographie et sciences sociales pour lequel aucune carte n’est innocente (VS tout un pan d’ingénieurs et de géomètres pour qui elle est une science exacte). Sauf que, ce qui vous semble être une querelle d’initiés dans laquelle vous n’avez aucune envie de vous immiscer est en fait un enjeu de taille pour votre compréhension du monde. Et pas seulement pour gagner à Questions pour un Champion, mais aussi pour comprendre des questions liées à la vie quotidienne. « Il existe une sémiologie de la carte. Selon la couleur ou les formes utilisées par le cartographe, le message sera reçu différemment », prévient Olivier Clochard. Qui prend pour exemple les cartes représentant l’arrivée des migrants en Europe où l’on voit de grosses flèches noires et flippantes s’abattre sur l’hexagone. « Des flèches larges et épaisses, Pour reprendre le pouvoir qui leur a été confisqué par les cartographes, certains nobody ou spécialistes ont choisi d’être mieux servis par eux-mêmes. Comme Olivier Clochard, au sein de Migreurop, réseau de chercheurs engagés sur les questions migratoires. « Nous avons produit des cartes sur les décès aux frontières de l’union européenne, pour sensibiliser le grand public. » Entre travail scientifique et implication militante, de nombreux chercheurs sont convaincus du potentiel de cette production cartographique « décentralisée ». « On répète souvent : “Fais des cartes ou tu seras cartographié”», avance Irène Hirt, qui a longtemps travaillé sur la façon dont les Amérindiens avaient été dépossédés de leur histoire par des cartes qui les ignoraient. « Depuis une trentaine d’années, les peuples autochtones