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La position du missionnai­re

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animaux, leur intelligen­ce et leur sensibilit­é n’ont jamais été aussi avancées « le grand public est prêt à de nouvelles approches. Il est plus sensible aux avancées des chercheurs », explique le primatolog­ue Frans de Waal qui vient de publier un ouvrage passionnan­t(2), sur l’intelligen­ce animale. Mais la vraie nouveauté, c’est la stratégie militante, plus offensive que jamais. Chez les antispécis­tes, l’associatio­n L214 (à ne pas confondre avec des gouttes homéopathi­ques) est sur toutes les lèvres. C’est à ce collectif lyonnais que l’on doit ces vidéos trashs de poussins broyés ou de boeufs saignés en caméra cachée dans les abattoirs, qui envahissen­t depuis quelques mois votre feed Facebook. « Ces images qui retournent le bide font appel à notre émotion, reconnaît brigitte gothière, co-fondratric­e. Ça nous permet d’être mieux entendus sur ces arguments rationnels que l’on essaie de faire entendre depuis des années. » Les images, obtenues grâce à des lanceurs d’alertes présents sur le terrain, sont d’une rare violence mais leur succès est incontesta­ble. « avec nos premières actions, plus pédagogiqu­es, on n’avait aucun retour. aujourd’hui, nos vidéos sont médiatisée­s et contraigne­nt les politiques à réagir », se félicite cette pasionaria de la cause animale. « dans ce mouvement de libération animale, on retrouve la nostalgie des grandes utopies de la fin du xxe siècle, commente le philosophe Francis Wolff(3). Sauf qu’ici, c’est l’animal qui est le nouveau prolétaire et l’homme qui est le bourreau.» et comme pour toutes les utopies, il fallait un gourou. en France, le nom d’aymeric Caron, et son essai tombé à point nommé, revient sans cesse. Si les spécialist­es interrogés sont nombreux à regretter un livre « faible », voire « certaines incompréhe­nsions », tous lui reconnaiss­ent le mérite d’avoir publicisé le terme et mis en avant la distinctio­n entre spécisme et antispécis­me. C’est sur le campus d’oxford que se diffuse pour la première fois, en 1970, le concept de spécisme. Sur des tracts qui reprennent les thèses du psychologu­e richard ryder, auteur de Speciesism, pamphlet fondateur dans lequel il critique l’expériment­ation animale. et qui pose les bases d’une remise en question de l’inébranlab­le supériorit­é de l’homme sur les autres espèces animales, théorisée depuis aristote. en 1975, de l’autre côté de l’atlantique, le philosophe peter Singer poursuit la réflexion dans La Libération animale, qui devient l’ouvrage de référence sur le sujet. Son objectif : dépasser la simple défense des animaux et acter que chaque individu compte pour « un », quelle que soit son espèce. vous souffrez ? Les animaux aussi. Sur cette base, vous êtes égaux. CQFD. S’en suit une lente diffusion du concept dans la société. « La progressio­n de cette idée s’est faite de manière tout à fait traditionn­elle, commente Francis Wolff. d’abord sur les campus américains puis ceux des pays du nord. La notion devient une discipline universita­ire, avant que les médias s’en emparent.» et nous voilà arrivés à ce moment de maturation médiatique qui contraint chacun à se positionne­r sur la question. Spéciste ou antispécis­te. deux positions

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