Stylist

Pouvoir et papier peint

Montrez qui est le patron

- Par Déborah Malet

Ils n’avaient pas encore mis un pied à la Maison Blanche que les Trump avaient déjà un cahier des charges bien arrêté sur les questions de décoration. Selon le New York Magazine, Melania planifiera­it d’aménager dans les quelques jours à venir une « glam room », sorte de boudoir où madame pourra se faire maquiller, coiffer, et qui fera aussi dressing (pas le time). De son côté, son mari Donald s’est, en premier lieu, attaqué aux rideaux vermillon du bureau ovale qui, comme on l’a constaté sur la photo officielle de la signature de son premier décret contre l’obamacare, sont devenus dorés. Une façon de se démarquer de son prédécesse­ur qui est courante lors des passations de pouvoir. En France, c’est un organisme public, le Mobilier national, qui équipe l’élysée, les ministères, ambassades et préfecture­s, notamment en respectant les requêtes des nouveaux habitants des lieux. En 1981, François Mitterrand n’avait d’ailleurs pas tardé à décrocher les tableaux choisis par Giscard. La déco n’est donc pas qu’un moyen d’embellisse­ment, elle marque aussi la rupture, matérialis­e ses idéologies politiques et assoit son pouvoir. Point Godwin de la déco : dans son livre Hitler at Home (éd. Yale University Press en 2015), l’historienn­e en architectu­re Despina Stratigako­s soulignait la passion du détail du Führer en termes de décoration d’intérieur : durant les années 30, plus il montait en puissance en Allemagne, plus il s’attelait à la rénovation de ses divers domiciles. Si vous aussi vous vous sentez les pleins pouvoirs actuelleme­nt, voici quatre tutos déco inspirés des « rich & powerful ». Bienvenue dans la faste life.

/ LA « GOLDEN SHOWER »

Joue-la comme: justement le couple présidenti­el Melania et Donald Trump, passionné de mythologie grecque (une statue d’eros et Psyché trône au milieu de leur salon new-yorkais) et des peintres impression­nistes (le faux Renoir accroché dans le bureau de madame).

Les gimmicks : beaucoup de doré (mais genre vraiment beaucoup et partout, du sol au plafond), de blanc et de mobilier clinquant (lustres XXL, colonnes de marbre, peinture au plafond digne de la chapelle Sixtine…). Un seul mot d’ordre : too much moche.

La version « alternativ­e » : Yes we can, la déco « 24 carats » ? No we can’t ! Et vu qu’on ne dispose pas des 100 millions de dollars qu’a nécessité le triplex Trump à New York, on met donc notre déco au régime light.

1 Avec le tapis Stucchi de Mogg (1784 € sur miliashop.com), le plafond à moulures se retrouve par terre dans des teintes pastel moins tape-à-l’oeil.

2 La table d’appoint Solum dorée, au pied noir ressemblan­t à un building de NY (400 €, fleux.com).

3 La ruée vers l’or des arts de la table rendue possible avec les couverts clinquants mais pas kitsch, Newberg de Made (lot de 16 couverts en acier doré mat, 149 €, made.com).

/ LE « MADE IN FRANCE »

Joue-la comme: Claude et Georges Pompidou qui souhaitaie­nt « faire entrer la modernité à l’élysée ». Grand fan d’art contempora­in et de Pierre Paulin, c’est au designer français qu’est revenue la tâche de rénover trois pièces de l’élysée : salle à manger, fumoir et bibliothèq­ue.

Les gimmicks : le président qui a créé Beaubourg avait des envies précises en termes de décoration (du beige, des matériaux modernes…) Madame ne jurait que par la qualité de la lumière et aurait déclaré à Paulin : «Faites que lorsque nous dînerons, nous ayons bonne mine.»

La version 2017: un peu de chauvinism­e en déco ne fait pas de mal, alors on mise sur les designers et éditeurs français qui – sans se la raconter – avaient la cote lors du dernier salon Maison & Objet.

1 Les suspension­s Calée en laiton, imaginées par le jeune studio parisien Pool et manufactur­ées par CVL Luminaires (381 € et 609 €, cvl-contract.fr). 2 La banquette Hoff à composer, beige et grise terrazzo avec ses pieds rouge métallique, éditée par Petite Friture (entre 800 € et 1450 €, petitefrit­ure.com). 3 La table basse Float éditée par La Chance (prix sur demande, lachance.fr), dont le cône en aluminium se reflète dans la base-miroir. Futuriste, moderne, on adore.

/ LE « KK KLAN »

Joue-la comme : la famille la plus médiatisée et borderline des années 2000, les Kardashian évidemment, dont les différente­s villas affichent les mêmes intérieurs afin d’avoir toujours un background homogène lorsqu’ils se prennent en photo. Strike a pose.

Les gimmicks : des spotlights disséminés dans toutes les maisons et un code couleur noir et blanc passe-partout pour ne pas parasiter les selfies. Mais depuis le braquage à Paris de madame et le passage en HP de monsieur, fini l’étalage des richesses, les Kardashian­west font profil bas. Pour son retour sur Instagram, Kim avait posté des photos prises dans le « post-hospital home » de son mari : canapé vert et cuisine blanche avec une touche de carrelage rose. Digne d’un lookbook Supreme shooté par Harmony Korine. La version « post-trauma » : on ne se laisse pas abattre (« life is life » comme chantait Opus dans les années 80) et on intègre la tendance Greenery – en plus, le vert, c’est la couleur de l’espoir – et du rose pour apporter un peu de joie de vivre à toute cette soupe à la grimace. 1 Selfie oblige, on ne fait pas l’impasse sur l’éclairage avec la lampe de table Sphere de Frandsen (325 €, madeindesi­gn.com). 2 Le canapé Backpack vert de Ligne Roset (2042 €, ligneroset.com), digne d’une salle d’attente des urgences. 3 Le papier peint rose poudré Ikho de Tenue de Ville (96,80 € le rouleau, tenuedevil­le. com) pour apaiser les tensions et les esprits.

/ LE « KING SIZE »

Joue-la comme: Louis XIV, soixante-douze ans de règne (drop the mic), amateur d’arts, de danse, de guitare et de tout ce qui brille. On lui doit le classicism­e français et le Versailles qu’on connaît, alors qu’avant ce n’était qu’une ruine (grosso merdo). Dans sa friendzone, les gars sûrs Molière, le musicien Lully, le décorateur Charles Le Brun et le jardinier André Le Nôtre, soit le G5 du bon goût à la française au XVIIE siècle.

Les gimmicks : le thème du soleil que l’on retrouve disséminé dans tout Versailles, ainsi que des miroirs et des tentures murales colorées mettant en scène Loulou (cf. la tapisserie Le Roy Louis XIV visitant les Manufactur­es des Gobelins, en 1667). Niveau personal branling, il aurait pu tout apprendre à Kanye West.

La version «miss sunshine»: on étale son bon goût comme Louis XIV à son époque, en optant pour des pièces uniques voire en grand format, et on y injecte une bonne dose d’ego trip (si vous réussissez à créer des poignées de porte à votre effigie via une imprimante 3D, chapeau).

1 Le lustre Roi Soleil avec ses abat-jour en cristal, imaginé par Marcel Wanders pour Baccarat (disponible sur demande sur baccarat.fr).

2 Les nouveaux coussins Ferm Living (entre 89 € et 109 €, fermliving.com), en tissus satinés et aux imprimés fantaisist­es et colorés.

3 Galerie des Glaces oblige, on se mate sous toutes les coutures grâce aux miroirs Dita teintés de Pulpo (prix NC, pulpoprodu­cts.com).

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France