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HEUREUX QUI COMME OBAMA

Et si on arrêtait de se pressionne­r pour rien.

- Par Marie Kock

Depuis le 20 janvier, vous tombez des nues à chaque nouveau tweetclash de Trump en vous demandant comment vous allez bien pouvoir exister dans le monde de demain. Obama lui, est parti s’aérer quelques jours à Palm Springs en Californie avant de prendre le large dans les îles Vierges britanniqu­es, où on l’a vu faire du kite-surf avec Richard Branson. Pour le 14 février, Michelle a posté une photo de leurs pieds pleins de sable sur la plage. Puis ils sont allés prendre quelques selfies à Hawaï et se sont envolés vers la Polynésie française, dans l’ancienne demeure de Marlon Brando, transformé­e en palace. Le message est clair, l’homme le plus puissant du monde s’est mis en mode avion depuis son départ de la Maison Blanche. Parce que vraiment, ça ne sert à rien de se mettre la pression à part si vous êtes président des États-unis (et encore). Voilà quelques trucs à arrêter pour vivre heureux.

J’ai arrêté le mec qui n’a rien à voir avec moi, mais on vit un truc de ouf

La filter bubble ? Très peu pour vous. En tout cas, en ce qui concerne votre vie amoureuse. Pour ne pas favoriser l’avènement d’un nouveau Trump et rester connectée avec la vraie vie, vous vous appliquez à choisir systématiq­uement des gens qui n’ont rien en commun avec vous. Vous ne vous faites pas tellement violence : rien ne vous énerve plus sur votre échelle de l’agacement qui va de 0 à Jacques Prévert que les gens qui partagent tellement qu’ils peuvent s’aimer toute leur vie en vêtements techniques. Votre problème, c’est que ce que vous aimez, ce n’est pas tant les autres mais la passion, qui ne prend jamais aussi bien racine que sur un terrain de malentendu­s et de frustratio­n. Après un entreprene­ur fasciné par sa bite, un rasta qui ne vous parlait que de fruits et un enfant perdu dont la plus grande réalisatio­n dans la vie aura été d’écrire son nom sur les murs, vous vous êtes lassée de crasher d’autres vies que la vôtre (tellement que vous avez même abandonné l’idée de séduire Emmanuel Carrère), et de vous éloigner considérab­lement de celle qui vous appartient. Et puis lors d’un énième date inutile, vous vous êtes entendue faire semblant de vous intéresser à la musique noise (« ça ne te gêne pas ce bruit continu de sèche-cheveux ? »). C’était la concession de trop. Depuis, tant pis pour votre conscience bourdieusi­enne, vous vous foutez la paix avec la reproducti­on sociale. Alors certes, vous ne finirez peut-être pas à l’autre bout du monde à défendre le droit des geckos (le truc qui vous fait le plus flipper avec John Lennon) mais avouez que passer du temps avec ce garçon qui s’intéresse sans se moquer à votre passion pour le survivalis­me est bien plus agréable. La bonne excuse : un inconnu vous offre des fleurs ? « Non merci, j’essaie d’arrêter. »

J’ai arrêté le dernier quartier qui bouge

La dernière fois que vous êtes partie en vacances pour décrocher un peu, loin de l’hystérie parisienne (mais ça marche aussi en province, chacun son seuil de tolérance), vos amis y sont tous allés de leur conseil sur le « nouveau quartier qui bouge » qu’il fallait absolument visiter. Sauf que ce n’était jamais le même et que vous vous êtes retrouvée à errer dans des zones tellement edgy que vous n’êtes même pas sûre d’avoir trouvé le bon spot. Là, au milieu des buildings en constructi­on dans la banlieue d’une ville de 100 millions d’habitants, vous avez tenté de héler un taxi (il n’y en avait pas) en vous disant que vous reviendrie­z quand les gens diront « c’était mieux avant », mais qu’au moins vous pourrez y boire un smoothie en lisant des fanzines. Depuis, vous avez décidé de lever le pied sur le lifestyle : après tout, vous ne tenez pas un blog « city break hors les murs ». Vous avez appris à refuser les brunchs dans des friches industriel­les pour privilégie­r le petit déjeuner, cette tradition qui consiste à boire un thé en cinq minutes avant de se lancer dans des activités vraiment intéressan­tes, ce qui vous fait gagner une demi-journée par week-end et à peu près 30 euros. Idem pour presque tout ce qui transforme un loisir en dizaines d’heures de queue pour se retrouver avec les gens de votre quartier à instagramm­er des bouts de trottoirs. La bonne excuse : tu connais Sopignan ? « Non, ce week-end, je visite Bastille centre. »

J’ai arrêté les conf de presse de fillon

Vous aviez juré de ne plus jamais voter parce que c’est toujours étrange quand on vous demande votre avis et qu’ensuite on fait le contraire en vous expliquant que c’est parce que vous vous êtes trompée ou qu’il ne faut pas froisser les illuminés de la Manif pour tous. Et puis il y a eu les primaires qui ont allumé une lueur de joie dans votre coeur de citoyenne. Pas un feu de Bengale mais une petite flamme de type soldat inconnu. Il allait enfin y avoir une vraie campa… Ah ben, en fait, non. À la place, on vous propose un feuilleton judiciaire avec une conférence de presse par jour pour expliquer que la démocratie est plus grande que de transforme­r l’assemblée nationale en PME familiale. Et puis un soir, en lisant un édito qui vous expliquait encore ce que vous deviez faire en vous parlant comme à une enfant de 4 ans, vous vous êtes dit qu’il était temps d’appliquer la méthode The Walking Dead à cette élection présidenti­elle : arrêter de regarder. De toute manière, il y aura toujours quelqu’un pour spoiler les moments importants, à la boulangeri­e ou sur Twitter. Il sera largement temps de vous décider en faisant la queue pour l’isoloir, le jour du premier tour. En attendant, vous pouvez couler des jours paisibles à profiter de la vie comme elle vient sans faire une crise d’angoisse toutes les dix minutes en mettant des emojis colère à tout-va sur Facebook. À la place, vous vous êtes lancée dans Les Misérables pour vous convaincre que les turbulence­s du temps n’arrêtent pas la marche de l’histoire. La bonne excuse : t’as vu les derniers sondages ? « Oui, je pense que Rick a vraiment ses chances. »

J’ai arrêté les week-ends en normandie avec mes potes

À chaque fois, ça ressemble pourtant à ce qu’il vous faut. Le calme de la campagne, les arbres qui bruissent dans le vent, les longues heures à lire dans l’herbe près de la rivière (votre vision de la campagne ressemble à un film de Renoir mais c’est un autre sujet). À chaque fois, ça finit par ressembler à Top Chef x Koh-lanta : vous passez la moitié du temps à faire les courses/à manger/ la vaisselle et l’autre à tenter de vous mettre en route pour aller voir une motte féodale/les noms de salons de coiffure en ’tif du village/le caviste qui vous connaît déjà un peu trop bien. Bref, vous n’avez pas une minute à vous (vous avez grillé tout votre temps libre à montrer à une assistance médusée comment bien foirer un feu) et c’est sur les rotules que vous rentrez de votre mise au vert. Mais comme le karma fait bien les choses, vous avez découvert la solution au hasard d’un compte bien trop à découvert : vous êtes restée chez vous. Et là, moment Interstell­ar, le temps s’est mis à se dilater. Et, en évitant de regarder par la fenêtre ces grosses mésanges grises aux pattes cassées qui ressemblen­t quand même vraiment à des pigeons, vous avez réussi à créer votre petit film de Renoir personnel au sein même de votre appartemen­t sans espace. C’est donc ça le temps libre ? Et ben ouais cocotte. Depuis, vous ne sortez plus le week-end afin d’être en forme pour binger les romans qui s’entassaien­t sur votre table de nuit, éplucher des légumes et vous absorber dans la contemplat­ion de vos pieds. On a juste un bémol sur le robinet de l’évier que vous laissez couler pour reproduire les sons apaisants des gorges de l’ardèche mais bravo, vous venez de vous séparer de cet indigne syndrome du Fomo. La bonne excuse : une invitation impromptue ? « Ah non, désolée, il faut vraiment que je m’ennuie ce week-end. »

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