DE L’ART OU DU COCHON
Vu le bordel cataclysmique qui circule sur le plateau de Biopigs, on ne sait plus vraiment qui, d’elton John ou de Jacques Weber, se retrouve à jouer du piano cul nu en santiags ou à shooter dans une balle avec son sexe pendant un gros quart d’heure. Mais la règle du jeu nous a tout de suite semblé limpide : cette pièce surréaliste, 100 % bête et méchante, entend massacrer pendant une heure une brochette d’icônes en leur inventant des versions cradingues ultra-freaky. À moins qu’on se soit complètement planté sur la cible. Car dans cette création signée Sophie Perez et Xavier Boussiron, il s’agira finalement moins de profaner la mémoire de grandes stars comme Joan Crawford ou Peggy Guggenheim que de tacler violemment ce que la postérité (nous) a choisi de retenir d’elles : non pas leurs oeuvres, mais leurs bios ; leurs vies risibles, destinées à finir en biopics. Ce que deviennent nos monstres sacrés aujourd’hui, c’est de la nourriture pour élevage intensif. De l’art pour les cochons. Les fans de Perez et de Boussiron (parmi lesquels Philippe Katerine, Édouard Baer ou Jean-luc Verna) retrouveront dans cette porcherie shiny tout ce qui fait le sel de leurs propositions habituelles : des acteurs hors catégorie parmi les meilleurs héritiers de Fellini, un foutage de gueule sauvage du théâtre à la papa, et un art du mauvais esprit étiré jusqu’au malaise. Bref, un voyage dans l’envers le plus carnavalesque du star-system et le subconscient le plus gore du théâtre. E.B. Biopigs de Sophie Perez et Xavier Boussiron, du 11 au 23 avril au Théâtre du Rond-point, Paris-8e.