Stylist

PROMOTION CANAPÉ

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Après avoir trop longtemps travaillé à enrichir ses patrons, M. a décidé de se reconverti­r. Un matin, elle est arrivée dans l’open space et, sur son bureau, elle a vu le mug Lady Di couvert de tanins dans lequel elle buvait son thé depuis des années et elle a compris qu’il était temps de partir. Quand la DRH lui a demandé ce qui motivait sa décision de quitter une entreprise qui lui offrait pourtant des perspectiv­es d’évolution enviables dans un marché en crise, elle n’a pas réussi à penser à autre chose qu’à la laideur des locaux. 22 000 mètres carrés de bâtiment tertiaire banalisé, à la lisière de Paris, répondant aux normes environnem­entales HQE, dans lesquels des plateaux avaient été aménagés avec un mauvais goût aussi certain que prévisible. Ce décor, elle en était sûre, avait contribué à faire d’elle cette caricature de cadre dynamique en limitant sa créativité et son empathie. Heureuseme­nt, elle les avait retrouvés au contact d’un canapé en velours vert à assise basse acheté un soir d’ivresse sur un site de déco hors de prix. Depuis, elle passait ses soirées allongée, ou même plutôt déployée de tout son large, caressant le velours épais avec la plante de ses pieds nus, à regarder autour d’elle. Ce canapé remettait en question pas mal de choses. Et pas seulement l’agencement de son salon qu’elle avait dû revoir pour accueillir ces 2,70 mètres de confort aux finitions cloutées. C’est toute sa vie qu’il fallait repenser à l’aune de la douceur chaude des 18 mètres de velours lacustre qui absorbaien­t toutes les ondes négatives qu’elle ramenait de l’extérieur. La table basse était trop sombre et finalement certains de ses amis aussi. Ce tableau était prétentieu­x, un peu comme ce mec qu’elle fréquentai­t depuis quelques semaines. Ce tapis était mesquin, comme son quotidien étriqué. Elle rêvait de pianos Steinway et de fauteuils Eames, mais son chômage lui permettait à peine de finir de payer son sofa en trois fois sans frais. C’est là qu’elle a décidé de décorer les appartemen­ts des autres. Plutôt des riches pour pouvoir assouvir ses envies de luxe qui confinaien­t à la luxure (p. 32). Et ça a très vite bien marché. Parce qu’elle était partie de son boulot en emportant le fichier des clients les plus fortunés et grâce à sa manière unique de choisir les meubles et les objets qu’elle leur proposait : « Je ne présente que des objets avec lesquels j’aimerais faire l’amour. »

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