ROMAN CRÉOLITÉ AUGMENTÉE
Le premier polar de Chamoiseau se mue en réflexion sur l’effondrement de l’âme martiniquaise.
Hypérion Victimaire a une manière expéditive de rendre la justice. Sans procès, il dépèce, démembre et même dévore les dealers, proxo et pédophiles qui ont échappé à la police martiniquaise. Car Hypérion n’est pas flic, c’est un tueur « dérouleur de boyaux ». Ses confessions hallucinées nous plongent dans les vices d’une île en déliquescence. Au-delà du thriller, ce que romance ici le théoricien de la créolité Patrick Chamoiseau, c’est la déchéance d’une identité martiniquaise qui se délite sous une mondialisation dévorante. L’effondrement d’une culture où le virtuel s’est substitué à la magie, où le libéralisme a déchaîné l’ensauvagement consumériste et où – pire que tout – les anglicismes ont massacré la langue. Et ça, pour Chamoiseau comme pour Hypérion, c’est le plus grave des crimes. LÉ.B. J’ai toujours aimé la nuit de Patrick Chamoiseau, Sonatine, 320 p., 14 €.