Édito
“C’EST COMME SI SA MÈRE TRAVAILLAIT EN DIRECT AVEC LES X-MEN”
M on copain de collège A. avait pas mal d’avantages dans la vie. Il habitait un duplex, ses parents venaient de divorcer, il était à moitié islandais et sa mère était chercheuse dans un labo sur le génome humain. Autant dire qu’il incarnait ce que nous connaissions de plus cool sur l’échelle de Spielberg. Et ça, avant même qu’il ne se mette à dealer des souris transgéniques sous le préau. Un manège qui a commencé quand sa mère lui a rapporté deux rongeurs qu’elle avait exfiltrés de l’immense bâtiment dans lequel elle travaillait et qui concentrait à l’époque une bonne partie de nos fantasmes. Des chercheurs y coupaient des bouts D’ADN pour améliorer les humains. On était encore loin de la découverte de Cas9 et des thérapies géniques, mais pour nous, c’était comme si sa mère travaillait en direct avec les X-men. C’est pour ça que les deux souris ont été baptisées Charles Xavier et Magneto en hommage aux super-ennemis Marvel. Elles étaient blanches avec des yeux rouges comme des rubis, ce qui prouvait, de nos points de vue experts, que leur ADN avait été manipulé pour leur donner des pouvoirs. Restait à découvrir lesquels. Nous avons donc mis en place un protocole d’observation hyperrigoureux qui consistait principalement à leur donner une partie de notre goûter. Nos premières conclusions tombèrent très vite : Charles et Magneto étaient de sexe opposé. Au bout d’un mois, plus de quarante souris vivaient en cage dans la chambre de mon ami. Une prolifération qui nous donna l’idée d’en donner au plus offrant dans la cour de récré. Business qui s’est avéré très lucratif, car tout le monde était prêt à troquer quelques figurines Star Wars pour avoir son propre Gremlins génétiquement modifié. Le but du jeu étant de se faire mordre le plus de fois possible pour posséder à son tour des pouvoirs. C’est ce qui était arrivé à A. qui ressentait depuis quelques semaines des symptômes étranges qui laissaient présager une transformation imminente. Nous passions des heures à deviser sur les pouvoirs que pourraient donner L’ADN de souris, en se basant sur le précédent Peter Parker et l’araignée qui l’avait rendu Spider-man. Puis tout a mal tourné. L’école était désormais divisée entre les « mordus » qui se considéraient génétiquement supérieurs (p.34) et les basiques qui nous prenaient pour des bouffons ; des profs se sont alarmés de la présence de rongeurs à l’école et notre beau cheptel a fini englué dans de vulgaires pièges à souris.