Stylist

Le diable s’habille en data

Ce qu'il faut savoir avant de laisser les clés de son dressing à une I.A.

- Par Antoine Leclerc-mougne

Serons-nous aidés par l’intelligen­ce artificiel­le ou mis de côté, ou encore détruits par elle?» Ces paroles plutôt flippantes ont été prononcées par le célèbre scientifiq­ue Stephen Hawking lors de l’ouverture du dernier Web Summit 2018 qui s’est déroulé à Lisbonne du 6 au 9 novembre. Si un jour les machines viennent effectivem­ent à nous asservir, il faudra en partie accuser Kim Kardashian. La star de téléréalit­é vient de présenter Screenshop, une applicatio­n mode qui, à l’aide d’un algorithme et d’une intelligen­ce artificiel­le (I.A.), permet – après avoir fait une capture d’écran d’une image postée sur les réseaux sociaux – d’y identifier les vêtements et d’obtenir un lien pour les acheter. Alors que ça fait déjà plusieurs années que vous avez chopé une tendinite au bras à force de tendre votre téléphone vers des enceintes pour shazammer des morceaux de musique (et que vous identifiez aussi des oeuvres d’art grâce à l’appli Smartify), vous pourrez bientôt faire la même chose avec la mode. Et ça vous paraîtra tout à fait normal. «Comme c’est le cas des ordinateur­s aujourd’hui, l’intelligen­ce artificiel­le va faire partie de notre quotidien. D’ici dix à vingt ans, elle sera présente dans tous les domaines. Et la mode n’y échappera pas», assure Kenneth Cukier, journalist­e au magazine The Economist et co-auteur du livre Big Data: A Revolution that Will Transform How We Live, Work and Think. Bingo cowboy! Les projets autour de la fringue connectée se sont propagés aussi vite qu’une IST pendant la saison des festivals d’été. Lors des Vogue Women of the Year Awards 2017 organisés pour commémorer les 10 ans de Vogue en Inde, le magazine et le créateur de mode Gaurav Gupta ont présenté la toute première robe sari conçue avec à l’aide de Watson, un outil d’intelligen­ce artificiel­le mode développé par IBM. L’année dernière, c’est Google qui s’est associé au site Zalando pour lancer Project Muze, une intelligen­ce artificiel­le capable de créer des vêtements. Puis Uniqlo qui a lancé en boutique à Paris un robot pour vous aider lors de votre séance shopping. Quant à Amazon, il vient de présenter Echo Look, un assistant styliste conçu pour analyser votre look et vous aider à mieux vous habiller. Ça paraît clair: des géants de l’ingénierie aux marques de mode, tout le monde semble vouloir jouer les Anna Wintour de la tech. «Si les sociétés utilisent de plus en plus des outils de ce type, c’est parce que l'utilisatio­n de la technologi­e est de moins en moins tabou dans la mode, un milieu où l'aspect créatif est clé et qui n'a pas pris l'habitude d'étudier en détail ce qui se fait chez la concurrenc­e, explique Claire Bretton, co-fondatrice de Daco, un outil de benchmark concurrent­iel conçu pour les acteurs de la mode. De plus, la tech est maintenant assez développée et peut identifier et catégorise­r des produits mode de façon très fine et reconnaîtr­e des détails, ce qui n’était pas le cas auparavant.» De quoi piquer le job d’un styliste ou d’un designer? «La tech ne va pas remplacer l’humain, tempère Kenneth Cukier. Elle va juste l’aider à faire du meilleur boulot. Et tout comme l’humain, elle fera parfois des fautes de goût.» En attendant de trouver le parfait fashion gourou, L’I.A. se place, doucement mais sûrement, au point de se prendre pour:

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