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Des idées pour se coucher moins bête

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Tandis que le Weinstein Gate poursuit efficaceme­nt son déblayage, voilà qu’apparaît sur la devanture des cinés un titre limite trop à-propos :

Battle of the Sexes, du nom du match ayant opposé, en 1973, la championne américaine Billie Jean King, 30 ans, à l’ancienne gloire des courts Bobby Riggs, 55 ans. À l’époque, plus de 90 millions de téléspecta­teurs suivent en live ce choc Man vs Woman (à titre de comparaiso­n, la finale mythique Borg/mcenroe, adaptée en salles ces jours-ci avec Shia Labeouf, fait pâle figure avec ses 17 millions d’aficionado­s). Or, demandez à vos parents: c’est comme si ce séisme médiatique sans précédent avait été effacé des mémoires. Du pain béni pour les feel-good Jonathan Dayton et Valerie Faris, tandem mixte déjà aux commandes de Little Miss

Sunshine, qui reconstitu­e avec d’autant plus d’effervesce­nce les préparatif­s de ce show d’un autre monde, où deux Amériques s’affrontent dans leur plus belle tenue d’apparat. Car Billie Jean ne représente pas simplement la masse silencieus­e des femmes, mais tout l’aréopage de l’amérique progressis­te et contre-culturelle, surfant sur l’euphorie encore palpable des sixties. Plus qu’un gang de pussy riots à raquettes, c’est un véritable tsunami queer, gay, hippie qui se soulève derrière elle, prêt à s’abattre sur le château de cartes puritain et machiste. Et là où le film s’avère sacrément malin et retors, c’est dans ce camp-ci: c’est presque en complice secret du destin émancipate­ur de Billie Jean qu’apparaît l’excentriqu­e Bobby Riggs. Pur méchant de cartoon, aussi hâbleur que bon perdant, quasi détaché de l’issue du match malgré ses outrances (il a surtout faim de spectacle et de retour sous les projecteur­s), son agitation clownesque ressemble moins à un revif du patriarcat qu’à son grotesque baroud d’honneur. Une ambivalenc­e grâce à laquelle le tandem de cinéastes saisit toute l’ironie de ce coup du s (p) ort: comment le temps de trois sets, un macho d’opérette s’est transfigur­é en bouffon magnifique et en idiot utile de la délivrance des femmes. LO. B.

Battle of the Sexes de Jonathan Dayton et Valerie Faris. Durée: 2h02.

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Si le tennis consiste à smasher dans des balles, autant pousser la métaphore jusqu’à faire tomber le patriarcat.

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