VAISSEAUX FANTÔMES
Né dans les spiritueux, Kilian Hennessy a troqué la part des anges contre les fleurs du mal et autres évocations olfactives de substances addictives. Plutôt que de cognac, c’est d’une rasade de rhum que Sidonie Lancesseur baptise le café de Black Phantom. Un «Memento Mori» (en latin dans le texte: «Souviens-toi que tu vas mourir») qui pousse la vanité jusqu’à orner son coffret en laque noire d’une souriante tête de mort: le Jolly Roger du pavillon des pirates. Largement adouci de sucre de canne, ce cocktail pour corsaires revendique une note de cyanure (traduite par l’amande amère) plus évocatrice d’hercule Poirot que de Jack Sparrow, ledit poison apparaissant plus souvent dans les murder mysteries britanniques que dans les histoires de vaisseaux fantômes… Sans doute fallait-il être anglais, d’ailleurs, pour pousser jusqu’au bout la logique spectrale du parfum. Batteur de The Prodigy tatoué comme un vieux flibustier, Leo Crabtree, créateur de la marque alternative Beaufort London, a d’abord enquêté sur les odeurs des lieux hantés pour s’en inspirer. Las! Les ectoplasmes britanniques poussent généralement la courtoisie jusqu’à dégager le même sillage que de leur vivant. Les entités démoniaques se signalent plutôt par un fumet de charogne, de brûlé ou d’oeuf pourri. Pour la collection Revenants, consacrée aux mânes de Londoniens illustres, il s’est donc rabattu sur la nature morte. Portrait de Wellington, The Iron Duke suscite la présence du vainqueur de Waterloo à coups de poudre à canon, de tabac à priser, de sueur de cheval et de savon de sellerie. Façon, explique son créateur, de «rendre belles la poussière, la fumée et la mort» à travers la beauté du parfum… Un concept macabre digne de la Perfide Albion.