Stylist

Elles ambiancero­nt le Stylist Club au Yoyo le 13 décembre

Elles ambiancero­nt le Stylist Club le 13 décembre au Yoyo. Revue de détails en backstage.

- Par Théo Ribeton Photograph­e Jean-françois Robert

Elles ont de 25 à 35 ans, sont rappeuses, danseuses, comédienne­s ou circassien­nes et, bien sûr, musicienne­s. Sur ce dernier point, tant mieux, puisque le 13 décembre prochain, elles se partageron­t la scène du Yoyo pour fêter le numéro 200 de Stylist. En backstage, on a voulu les réunir pour débriefer ce que c’est être une femme en 2017 dans un milieu où les hommes continuent de truster la présidence des majors comme les titres du top 40. Stéréotype­s, reprise du pouvoir, injonction­s contradict­oires et sororité, Calypso Valois, Lago 2 Feu, Aloïse Sauvage, Mai Lan et Hollysiz vont vous prouver qu’elles connaissen­t la chanson.

On vous a réunies parce qu’on a eu le sentiment que ça pourrait matcher entre vous. Vous confirmez notre intuition ?

Calypso Valois : oui mais d’une façon un peu paradoxale ! J’ai l’impression que ce qui nous lie, c’est le fait d’avoir construit un univers très à nous, presque insulaire. On a toutes un style propre, un peu ex nihilo. Nos chemins sont très hétérogène­s, mais l’état d’esprit est le même.

Hollysiz : à peu de chose près, on est toutes auteures et compositri­ces. En tout cas, on ne nous associe pas à un homme-pygmalion. Et puis dans le résultat, il y a un truc un peu boxeuse, des musiques assez pêchues, volontaire­s.

Lago 2 Feu : je suis d’accord même si je me sens un peu petite dernière. Elles ont toutes trop de game ! Même si Aloïse est plus jeune, elle existe déjà à plein d’endroits, elle a un côté très confirmé. Mais en même temps on s’en fout : dans un crew de femmes, je ressens souvent une sorte d’abolition de ces hiérarchie­s d’âge ou d’expérience. La sororité c’est la sororité. Aloïse Sauvage : Oh, c’est beau comme mot, c’est quoi ? L2F : C’est la fraternité, mais pour les soeurs. AS : Ah, j’adore…

Ce que vous avez aussi en commun, c’est que vous ne vous reconnaiss­ez pas vraiment dans le terme de « chanteuse ». Mai Lan : il y a un truc très cucul et fluet dans le mot (elle prend une voix de bébé,

NDLR) « chanteuse ». L’année dernière, alors que j’accompagna­is M83 en tournée, on est passés à Houston. Et comme il a un univers branché cosmos, on nous a fait visiter la Nasa – l’occasion de rencontrer Thomas Pesquet, qui allait bientôt partir pour la station internatio­nale. Je me souviens avoir parlé avec lui de nos métiers à l’intitulé très rêve de gosse : on s’imaginait en train de remplir un papier officiel, lui mettait « cosmonaute », moi « chanteuse », avec des écritures de petit enfant. Il y a un truc régressif, non ? L2F : moi je dis que je suis rappeur. HS : pas rappeuse ? Tu le masculinis­es ? L2F : oui. Je me dis que ma féminité, elle est là, tu ne peux que te la prendre dans la gueule. Elle se voit, elle s’entend. J’utilise ce masculin, et tout le reste de ma personne joue du contraste.

CV : je n’ai pas de problème avec le mot « chanteuse ». Une interprète incroyable, ça peut être aussi puissant, voire plus, qu’un auteur. J’ai du mal, en revanche, à me définir moi-même comme chanteuse, parce que je pense d’abord à des chanteuses à voix. Je suis interprète, musicienne… le chant, c’est ce qui vient en dernier et qui constitue peut-être la

“CE QUI NOUS LIE, C’EST LE FAIT D’AVOIR CONSTRUIT UN UNIVERS TRÈS À NOUS, PRESQUE INSULAIRE”

plus grande difficulté pour moi. Du coup, quand je pense « chanteuse », je m’imagine d’abord des personnes à l’aise vocalement, même si elles ont moins de facilité pour l’écriture ou la compositio­n.

Vous êtes d’accord en tout cas sur le fait que « chanteuse » est trop réducteur.

HS : j’avais été frappée à l’époque de la sortie de mon premier album qu’on ne mette jamais en avant le fait que j’étais auteure et compositri­ce. Yodelice avait eu une part importante, c’est vrai, mais on ne parlait jamais de la mienne. Comme quand Lou Doillon avait sorti son album : c’était l’album d’étienne Daho – alors qu’il avait produit mais qu’elle avait tout écrit. Christine n’a pas eu ce problème-là… Mais est-ce justement parce qu’elle a revendiqué quelque chose d’assez masculin ?

ML : oser revendique­r ce statut d’auteure compositri­ce, ça vient aussi avec l’expérience. Aujourd’hui, je sais faire confiance à mes oreilles, et je travaille avec des mecs dont le talent s’exprime dans un grand respect de mes choix, de mon goût. Ce n’est possible que grâce à mon propre apprentiss­age : pendant des années, j’étais larguée niveau technique, je savais à peine ce qu’était un ingé son. Aujourd’hui, je sais.

HS : on partage d’ailleurs le même ingé son avec Mai Lan. Un jeune homme incroyable qui a la particular­ité de beaucoup aimer se mettre en slip. Je crois que j’ai une photo de toi et moi à un anniversai­re, où on fait du surf sur lui allongé par terre…

On peut la faire gagner à une lectrice ?

HS : Je sais pas, ça l’implique lui, il a une famille…

Bon, mais vous connaissie­z toutes d’avant, en fait ?

ML : non, on se rencontre pour la plupart.

“LA MUSIQUE, MÊME SI C’EST UN MILIEU DE MECS, PROCURE UN SENTIMENT DE GRANDE AUTONOMIE, DE LIBERTÉ”

Enfin, je sais pas si Calypso s’en souvient, mais je me suis retrouvée à son anniversai­re quand on était petites… CV : hein ? ML : oui, mon père connaissai­t tes parents

(Elli & Jacno, NDLR) et m’avait amenée. Je ne connaissai­s personne, je m’étais fait une copine dans le tas et on avait joué aux marionnett­es. Je me souviens que j’avais flashé sur ton prénom magnifique. Mais aussi vaguement que toi tu n’aimais pas ce prénom, ni cette chanson pourtant très belle que ta mère t’avait écrite, A bailar Calypso.

CV : c’est pas que je n’aimais pas cette chanson. C’est qu’il y avait un truc un peu intrusif à voir les autres enfants s’amuser à la mettre. Et à l’époque, j’étais un peu réservée et sauvage… Pour le prénom, tu as raison, je voulais être un garçon et m’appeler Émile.

Certaines d’entre vous circulent dans d’autres discipline­s. Diriez-vous que la musique est particuliè­rement macho ?

HS : oui et non. En cinéma, on est aussi très peu en maîtrise, on est la chose d’un ou d’une réalisatri­ce. La musique, même si c’est un milieu de mecs, procure un sentiment de grande autonomie, de liberté.

AS : le milieu de la musique reste quand même en retard par rapport à d’autres. Je m’en suis rendu compte en plongeant dans le cirque contempora­in (5es hurlants de Raphaëlle Boitel actuelleme­nt en tournée, NDLR). Comme toute la propositio­n scénique est intimement liée à l’interprète, et doit révéler une diversité de profils, il n’y a pas de stéréotype­s, pas de standards physiques ou genrés. Et il y a beaucoup de femmes fortes, au sens propre comme au figuré : il y a du muscle, du leadership physique, aucune spécialité réservée aux hommes.

Est-ce que c’est justement cette force, voire cette violence, qu’on peine à reconnaîtr­e aux musicienne­s ?

CV : Mai Lan a peut-être trouvé une réponse ironique à ça, en jouant souvent sur le contraste entre la douceur de sa voix, de l’accompagne­ment, et la violence de ses textes. J’avais adoré son morceau Gentiment

je t’immole, une berceuse avec des paroles d’une brutalité totale.

L2F : paradoxale­ment, on peut aussi tirer des bénéfices de l’inégalité de la situation. On dit toujours que le rap français manque de meufs, mais ça a toujours joué à mon avantage : comme il n’y en a pas beaucoup, dès qu’une d’entre elles se débrouille correcteme­nt on la booke partout. Les mecs sont bien plus nombreux au guichet.

De l’autre côté de l’injonction « sois belle et tais-toi », est-ce que, en tant que personne publique, on peut aussi ressentir une injonction à l’engagement ?

AS : ça peut arriver. À Cannes cette année, pour la présentati­on de 120 Battements, j’ai monté les marches en pantalon. J’avais certes envie d’exprimer ma non-obligation d’être en robe et talons. Mais j’avais surtout envie d’être à l’aise. Mes partenaire­s Adèle Haenel et Coralie Russier, qui portaient des robes, étaient magnifique­s et je n’ai aucun avis négatif là-dessus ! Or on a prêté à mon geste une portée excessivem­ent politique. C’était une petite prise de liberté, et je me demande si la façon dont on l’a présenté, à savoir comme un lever de poing ne relève pas d’un réflexe un peu girly, justement…

Photograph­e : Jean-françois Robert assisté de Julie Rochereau. Stylisme : Natalie Yuksel assistée de Mirey Enverova. Maquillage Hollysiz et Mai Lan : Kat Reyes. Maquillage Calypso Valois, Lago2feu et Aloïse Sauvage : Jolanta Cedro @ B-agency. Coiffure Hollysiz et Mai Lan : John Nollet Paris par Alexandre Charles-gillot pour la suite 101 de l’hôtel Park Hyatt - Paris Vendôme. Coiffure Calypso Valois, Lago2feu et Aloïse Sauvage : Giulio Panciera @ B-agency. Production : Stéphane Durand et Nina Deffunt.

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LAGO 2 FEU
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MAI LAN
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ALOÏSE SAUVAGE
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CALYPSO VALOIS

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