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Coucou, c’est nous

Vous pensez que l’amour n’est qu’une histoire de feeling. Et si ce n’était qu’une question de timing ? On remet les pendules à l’heure.

- Par Coline Clavaud-mégevand

Et si l’amour n’était qu’une question de timing ?

Peut-être qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre avant. Mais aujourd’hui ils le sont.» Cette réplique à faire palpiter les coeurs les plus secs (Taylor, on parle de toi) est issue de The Mindy

Project, série Hulu de l’actrice et scénariste Mindy Kaling. Le pitch ? Une gynéco barrée veut reprendre sa vie en main (fini les accoucheme­nts bourrée). Après six saisons à monter sa clinique, faire un gosse et galérer avec les mecs, l’épisode final diffusé mi-novembre la montre en plein discours de mariage de deux de ses employés. Qui, selon elle, n’auraient pas dû finir ensemble, sauf que leur timing respectif (job, déménageme­nt…) s’est parfaiteme­nt goupillé. Et Mindy d’avoir une épiphanie : si sa propre histoire a capoté, c’est à cause d’une incompatib­ilité d’agenda avec son ex, qu’elle rejoint illico. Un propos

qu’on retrouve dans Love, série de Judd Apatow dont la troisième saison arrivera sur Netflix début 2018. Mickey et Gus, trentenair­es paumés, construise­nt leur histoire, une étape (foireuse) après l’autre. Quand passer le cap suivant ? Faut-il plutôt calmer le jeu ? Des questions qui agitent Hollywood, aussi bien sur les écrans QU’IRL. Chez les people, le souci d’agenda est même devenu l’argument n°1 pour justifier une rupture. En septembre, Anna Faris expliquait ainsi que Chris Pratt rêvait carrière et elle, d’un second enfant. Bilan : un divorce. Mi-novembre, c’est Elon Musk qui évoquait les « obligation­s de travail intenses » qui avaient bousillé son couple avec Amber Heard. Pour ne plus rater vos rendez-vous avec l’amour, trois spécialist­es bien rencardés font le point sur quatre étapes à gérer, montre en main.

TOMBER AMOUREUX

Votre programme : regarder tranquille­ment, et de loin, ce que le marché peut avoir à vous proposer. En préférant vous tenir à distance car la prochaine fois sera peut-être la bonne.

Le wake-up call : le jour où vous apprenez que votre compulsion pour les applis de rencontres vous vaut le surnom de « App Store » auprès de vos potes. Le vrai bon timing

 L’option métaboliqu­e - Dr. Nicolas Collongues, neurologue au CHU de Strasbourg et co-auteur de l’étude Amours et Neurologie (Revue neurologiq­ue, 2011) : « Dans l’état d’amour passionné, certaines aires du cortex préfrontal sont désactivée­s. Or, c’est lui qui conditionn­e aussi bien notre jugement critique que notre inhibition. Le bon moment, c’est celui où l’on n’a pas besoin à 100 % de ses capacités d’analyse (gros achat, tournant profession­nel). Par ailleurs, pour qu’il y ait sentiment amoureux, il faut que trois aires du cerveau soient activées : celle de l’excitation sexuelle (cortex frontal, système limbique, noyaux striés, cortex cingulaire antérieur, hypothalam­us…), de l’état motivation­nel (les noyaux striés) et de l’attachemen­t (en partie l’hypothalam­us). Avec l’âge, la première va être moins active – de quoi vous inciter à tomber amoureux avant la ménopause et l’andropause, même si le cerveau n’a pas de « ”date de péremption”. »

 L’option cash money - Djamila Ibanez, coach financier (Cabinet méthode +) : « Au début d’une relation, on dépense plus. En vêtements, en soins, en restaurant­s. L’idéal, ce serait donc à partir de 26 ans. À un âge où l’on commence à avoir une assise sociale, un salaire, éventuelle­ment un CDI. »

 L’option la vie romantique - Clément Bénech, auteur d’un Amour d’espion, Flammarion : « Clairement, à 14 ans. Quand la moindre entrevue peut-être disséquée pendant des heures. Il faut ensuite retenter le coup après un premier chagrin d’amour. Le bon moment, c’est quand on ne sait plus pourquoi. J’aime l’idée qu’on ne sache pas pourquoi on s’aime. Il y a cette citation d’emil Cioran qui dit : ”Nous n’agissons que sous la fascinatio­n de l’impossible.” Le couple doit être un lien qu’on ne peut pas expliquer. »

S’INSTALLER ENSEMBLE

Votre programme : créer une alerte sur PAP en jurant que vous quitterez votre coloc’ le jour où vous tomberez sur un bon plan (« C’est con, on va devoir repousser, ils viennent d’annuler l’encadremen­t des loyers. »)

Le wake-up call : le jour où vous vous retrouvez le regard vide devant le buffet du petit déj’ en vacances à l’hôtel, infoutue de savoir ce que prend l’autre (« mettez-nous une tasse de chaque »). Le vrai bon timing

 L’option métaboliqu­e - Dr. Nicolas Collongues : « À partir de 18-20 ans, la myélinisat­ion (l’établissem­ent de relations interneuro­nales) est faite. À ce moment-là, le cerveau est apte à prendre cette décision car le matériel cérébral est là. J’estime toutefois qu’il faut avoir connu des ruptures avant, et avoir passé deux ou trois ans avec son partenaire. Les aires de la mémoire seront ainsi activées et enrichies des erreurs commises par le passé, ce qui évitera de les reproduire quand vous passerez ce cap.»

 L’option cash money - Djamila Ibanez : « Vivre à deux représente de grosses économies du fait du partage des charges (loyer, traites, essence...) mais aussi de l’alimentair­e. Les portions individuel­les, ce n’est pas rentable passée la trentaine, quand vous avez les économies pour acheter un logement assez grand pour un projet de famille. Après 40 ans, ça peut être tard : c’est très dur de lâcher un bien acheté seul, dans lequel on s’est beaucoup investi. Si les frais de notaire ne sont pas amortis, la revente peut vous faire perdre de l’argent. »

 L’option la vie romantique - Clément Bénech : « Vers 30 ans, quand on est prêt à mutualiser son espace (ce qui revient à laisser entrer l’autre dans sa tête), qu’on n'a plus besoin de raisons objectives d’être avec l’autre. Même si la littératur­e montre que c’est une mauvaise idée de vivre ensemble. Dans Belle du seigneur, l’intimité, les phénomènes intimes tuent la relation.»

AVOIR UN ENFANT

Votre programme : très simple. Vous vous êtes récemment découvert une toute nouvelle spirituali­té, qui consiste à penser qu’une force supérieure décidera de votre sort (manque de pot, c’est pas lui qui achète les capotes).

Le wake-up call : alors que vous et votre mec n’arrivez plus à baiser, terrifiés à l’idée de ne plus jamais faire de grasse mat’, vous lisez dans un magazine bien intentionn­é que si à 25 ans, la probabilit­é d’avoir un enfant est de 25 % par cycle, elle est de 12 % à 35 ans. Le vrai bon timing

 L’option métaboliqu­e - Dr. Nicolas Collongues : « Bien sûr, il existe des prérequis biologique­s, comme la capacité de la femme à ovuler. Mais je recommande­rais toutefois d’attendre la fin de l’amour passion, qui ne dure de toute façon que quelques années, afin que le jugement ne soit pas altéré. Et d’avoir une base de souvenirs communs, un matériel mnésique suffisant, pour construire l’avenir. »

 L’option cash money - Djamila Ibanez : « J’estime le coût d’un enfant autour de 400 € par mois, sachant qu’il y a des pics de dépenses (quand l’enfant est bébé et qu’il faut payer une nounou, puis au moment des études). Logiquemen­t, plus vous attendez pour en avoir, plus vous avez d’argent (salaire, épargne…). La décision doit donc être prise en fonction de ce que vous avez prévu pour lui, comme les activités extrascola­ires ou les vacances. »

 L’option la vie romantique - Clément Bénech : « À 36 ans. Même si c’est une posture de dire : “Ai-je envie de faire un enfant dans ce monde chaotique ?”, “Pourquoi créer une vie de plus ?”, ça reste une responsabi­lité quasi-métaphysiq­ue. À cet âge-là, je pense qu’on a bien pesé la décision et qu’on est prêt. Ou alors qu’on a compris que toutes ces questions étaient un moyen de cacher son dégoût des enfants. »

SE SÉPARER

Votre programme : une micro-valise cabine avec de quoi subsister est prête au fond de votre placard. Mais ce n’est pas pour ce soir (ce soir c’est Nouvelle Star).

Le wake-up call : après avoir laissé votre situation pourrir (comme la vaisselle et la déclaratio­n d’impôts), vos engueulade­s apocalypti­ques se retrouvent dans la story instagram de vos voisins du dessus. Et deviennent virales #Lesfadasdu­3e

Le vrai bon timing

 L’option métaboliqu­e - Dr. Nicolas Collongues : « On observe chez certains sujets que les aires de la motivation, allumées au moment où ils étaient très impliqués amoureusem­ent, se mettent progressiv­ement en sommeil, comme pour une dépression larvée. Des études montrent aussi des modificati­ons du tracé cardiaque, liées à un état de sidération. La rupture se rapproche d’un stress post-traumatiqu­e, donc si vous avez besoin de vos pleines capacités physiques et mentales, ce n’est pas le moment de rompre. »

 L’option cash money - Djamila Ibanez : « Vers 40 ans, quand la résidence et les placements ont pris de la valeur (attention au contrat qui vous unit, mariage ou PACS, et à la répartitio­n qui en découle). Ou bien au début de la retraite car on n’a plus l’inquiétude d’être licencié et qu’on sait exactement ce qu’on va gagner tous les mois. Cette sérénité peut permettre de sauter le pas. »

 L’option la vie romantique - Clément Bénech : « Une seule rupture possible : celle d’anévrisme, tous les deux et à 72 ans. Comme ça, on a profité de quelques années de retraite, puis on part ensemble. J’aime l’idée qu’on a scellé le couple jusque dans les derniers instants, comme Stefan Zweig ou le philosophe André Gorz, qui se sont suicidés avec leur grand amour. C’est quelque chose que le modèle rapide d’amour contempora­in rend impossible. »

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ANNA FARIS ET CHRIS PRATT AMBER HEARD ET ELON MUSK LOVE THE MINDY PROJECT

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