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Palais Royal

Oubliez Paul Bocuse, celui qui nous a tout appris en cuisine, c’est Louis XIV.

- Par Déborah Malet

Celui qui nous a tout appris en cuisine, c’est Louis XIV

Du Roi-soleil, on connaît la folie des grandeurs, le culte de la personne exacerbé, l’amour pour les arts en tout genre, le penchant pour les excès (toujours plus) et l’appétence no limit. Et ce n’est pas une fistule anale ni même sa mâchoire éclatée après un arrachage de dents foireux qui lui ont coupé l’appétit durant ses soixante-seize ans d’existence. Un bon vivant qui a fait beaucoup pour la cuisine française, comme le soulignent Françoise et Marie de La Forest dans leur livre À La Table du Roi Soleil (éd. Du Rêve) : « La haute gastronomi­e […] est née sous le Roi-soleil, mais on ne le sait pas assez […]. On se délecte en effet encore aujourd’hui de ses saveurs lorsque l’on se régale de sauces onctueuses, de plats mijotés ou de glaces un peu savantes. Le Grand Siècle a inventé la gastronomi­e française.» Dans

Cuisine de roi à Versailles d’alain Ducasse, on peut lire que « la table de Louis XIV serait aujourd’hui certaineme­nt étoilée » (mic drop). Interrogé, le chef étoilé à la tête du restaurant Ore-ducasse au Château de Versailles ajoute même que « la notion de bon goût est tout à fait essentiell­e à la cour : il y a la bonne façon de parler, la bonne façon de s’habiller, la bonne façon de danser… Et donc la bonne façon de manger.» On vous dit pourquoi plus de trois cents ans plus tard, c’est toujours Loulou qui règne en maître sur le food game. IL NE JURAIT QUE PAR LE BIO ET LE LOCAL

Le XVIIE siècle a été marqué par le boom des cultures maraîchère­s et fruitières. Les jardiniers sont alors des restas, et Jean-baptiste de La Quintinie gère le fameux Potager du Roi à Versailles. « À de rares exceptions près, les produits alimentair­es étaient toujours locaux. Et ils étaient nécessaire­ment bio dans la mesure où les produits de synthèse n’existaient pas », souligne Alain Ducasse. On y cultive notamment des petits pois, très prisés à l’époque, comme c’est le cas de l’avocat aujourd’hui. « Une passion telle qu’on déguisait même les asperges en petits pois, on leur en donnait l’aspect, raconte l’auteure Marie de La Forest. À table, chaque aliment était valorisé, on l’isolait sur de petits plats d’argent. » Apparaisse­nt aussi à la cour les artichauts et les concombres, à croire qu’on croisait au château autant de végé-bio-locavores qu’un samedi matin à la Ruche qui dit Oui. C’est aussi durant son règne que les herbes aromatique­s deviennent à la mode (thym, laurier, ciboulette, estragon, romarin, et le persil qui permettra de créer le bouquet garni), supplantan­t dans les assiettes les épices devenues accessible­s et donc trop mainstream. En revanche, osef la saisonnali­té : grâce au fumier tiède et aux divers abris et cloches, le roi peut se gaver de fraises et de figues durant toute l’année. Alors oui, c’est de la contre-saison, mais bio.

La voie royale à suivre aujourd’hui :

Si t’as pas ton potager, t’as raté ta vie, serait l’adage des chefs. Sans conteste, le big boss du green est Alain Passard, avec ses six hectares à Buis-sur-damville. D’autres chefs cultivent leur jardin secret, comme Andreas Møller du restaurant Copenhague, et tête pensante de la new nordic food, qui fait sortir de terre plus de cinquante variétés de fleurs et d’herbes, ainsi que des choux et salades sur les toits de Paris. De l’urban foraging, que réalise aussi le resto-bar du Palais de Tokyo, Les Grands Verres, utilisant dans les plats et cocktails les herbes aromatique­s qui poussent dans le jardin à côté. L’autre option est de faire appel à des jardiniers extérieurs, comme le font Tomy Gousset et Olivier Lecorre qui ouvrent courant du mois de février leur second restaurant, respective­ment Hugo & Co et Anna, et qui louent des parcelles au château de Courances de Fontainebl­eau.

Restaurant Copenhague : 142, avenue des Champs-élysées, Paris-8e, restaurant-copenhague-paris.fr

Les Grands Verres : 13, avenue du Présidentw­ilson, Paris-16e, palaisdeto­kyo.com Hugo & Co : 48, rue Monge, Paris-5e Anna : 134-136, rue Saint-maur, Paris-11e.

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ANDREAS MØLLER DU COPENHAGUE

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