Stylist

Culturist

L’acteur, l’actrice et le réalisateu­r les plus aimés au monde adaptent un fait d’armes du Washington Post : si avec ça on n’arrive toujours pas à redorer l’image des journalist­es…

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Des idées pour se coucher moins bête

Rien de tel qu’une belle success story pour réveiller le mythe hollywoodi­en, où rien n’est impossible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais – quelqu’un comme Liz Hannah, par exemple. Cette nobody absolue avait laissé un script très beau mais moyennemen­t sexy (« une histoire de quinquas bien tassés où personne ne s’embrasse », disait-elle elle-même) prendre la poussière dans les tiroirs des studios, et quasi cessé d’y croire jusqu’à un coup de fil inespéré de Sony en 2016. « Pas mal votre machin, ça vous dirait que Spielberg l’adapte ? Genre avec Hanks et Streep ? » (OK, on invente le dialogue.) (Mais en gros c’est ça.) Banco : la voici propulsée scénariste la plus en vue du moment. Le sujet : un pré-watergate, soit la révélation en 1971 par le Washington Post des Pentagon Papers, brûlant dossier compilant trente ans de mensonges étatiques sur le Vietnam. Donc un film de scandale journalist­ico-politique avec taupes, rotatives, conciliabu­les mitraillés et taches de café. Mais qui cache surtout un film sur une femme, Katharine Graham, héritière discrète du journal de son mari suicidé, incarnée par Meryl Streep avec plus d’ambiguïté que jamais : entre la dame de fer et la mamie gâteau, ronronnant dans des amitiés politiques dont elle rechigne à s’extirper tout en se sentant tirée vers les idéaux du journalism­e. Évidemment, Pentagon Papers tombe politiquem­ent à pic : il y a un côté miroir

parfait de l’époque, entre remise en cause des droits de la presse à enquêter, hypothèse

grandissan­te d’un impeachmen­t, etc. Mais c’est vraiment autour du woman’s picture, du destin contrarié de femme, que le film trouve son noeud. Et ce devant et derrière la caméra : Meryl Streep n’a pas quitté le sommet, mais l’occupe désormais avec une sorte de lassitude inquiète, et incarne des héroïnes de plus en plus équivoques ; Liz Hannah triomphe, mais presque trop tôt et quand on lui demande ce que serait désormais le « projet de ses rêves », elle répond qu’il est déjà derrière elle. La flamme hollywoodi­enne est toujours vive, mais c’est le genre de films qui lui ajoutent une lueur un peu ternie. Elle n’en est que plus belle. T.R. Pentagon Papers de Steven Spielberg avec Meryl Streep, Tom Hanks. Durée : 1 h 55.

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