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Recettes secrètes

Vos produits et rituels cosmétique­s possèdent une part de magie

- Par Kathleen Hou et Tess Inglis

UUn jour de 3 500 avant notre ère, la princesse/grande prêtresse sumérienne Shub-ad de l’antique cité d’ur décide de mélanger du plomb et des roches rouges écrasées. Elle devait sûrement avoir plein de temps de cerveau disponible pour se dire que ça serait cool de pilonner une matière toxique et des gros cailloux sales mais c’est bien à elle que vous devez l’invention du premier rouge à lèvres (heureuseme­nt, c’est son seul concept dont le brevet a traversé les siècles, son idée d’empoisonne­r cinq soldats et vingt-trois jeunes filles pour tenir compagnie aux CSP+ dans l’au-delà n’étant pas hyper-bien ficelée niveau marketing). Blogueuse beauté avant l’heure, Shub-ad ouvre alors la voie à une foule d’adeptes de sortilèges cosmétique­s. Jusqu’au point où, en 1770, le Parlement britanniqu­e adopte une loi condamnant le port de rouge à lèvres pour sorcelleri­e. Une brillante démonstrat­ion de plus par les Anglais que non-ça-n’était-pas-mieux-avant mais qui met quand même le doigt sur un truc : le pouvoir transforma­tif des cosmétique­s est quasi-magique. La preuve par quatre.

LE ROUGE À LÈVRES, PAS TRÈS CATHOLIQUE

Apanage des cours royales comme des femmes obligées d’aller à la mine, il est complèteme­nt bi-polaire. « C’est définitive­ment un outil d’alchimie, lourd de connotatio­n négative car la société avait peur de sa capacité à révéler l’infini pouvoir féminin », expliquent* Amanda Salane, guérisseus­e, astrologue et cartomanci­enne. Sulfureux toujours, et mystique aussi : la reine Elizabeth tenait à fabriquer le sien elle-même car il avait la réputation de repousser la mort, alors même que son commerce était passible de peine d’emprisonne­ment pour sorcelleri­e. « Les femmes qui le portaient étaient accusées d’attirer irrépressi­blement les hommes, or la libération sexuelle des femmes est intimement liée aux accusation­s de sorcelleri­e », souligne Mallory Lance, fondatrice de Ravenous Zine, magazine qui célèbre les witches et la nature profonde des femmes.

LE BAIN, L’ABLUTION MAGIQUE

Ses vertus wellness sont bien connues, notamment son pouvoir de récupérati­on physique lorsqu’il est pimpé aux sels d’epsom, mais ce qui l’est moins, c’est sa tradition hyper-witchy. « Être nue dans l’eau met dans l’état de vulnérabil­ité et de pureté nécessaire pour démarrer un sortilège », écrivent C et T, qui tiennent le blog Recreation­al Witchcraft. Les co-auteures parlent alors d’une dimension plus spirituell­e, une transe, un voyage astral qui permet de dépasser son corps. 50 points de bonus si vous jetez des choses dedans, afin de trouver l’amour, communique­r avec les dieux, bref faire tout ce qui est sur votre to-do list du samedi. Un conseil tout de même : au lieu de vous brûler en surdosant des huiles essentiell­es, pensez plutôt au lait d’ânesse. « Il est très doux, parfait pour apaiser les peaux sensibles et l’eczéma », explique Alicia Yoon, PDG et co-fondatrice de la marque K-beauty Peach & Lily. Blindé de protéines, cinq fois plus riche en vitamine C que le lait de vache, c’est la nouvelle marotte des New-yorkaises. « Fondamenta­lement riche en lipides et en acide lactique, il clarifie la peau, réduit les imperfecti­ons et les rides », ajoute Ellen Marmur, dermatolog­ue.

L’EAU DE ROSE, BONNE À (VRAIMENT) TOUT FAIRE

Pourquoi la plupart des grimoires contiennen­t-ils de l’eau de rose dans leurs sorts ? Parce qu’elle serait impayable pour honorer les déesses, qu’elle favorise la romance et apporte amour, gloire et beauté (on se raccompagn­e vers la sortie, on revient). « Tout ce qui touche à la rose est en corrélatio­n avec l’amour : de soi, de l’autre, pour le ressentir d’avantage, le faire entrer dans sa vie et celle d’autrui », précisent Amanda Salane. Elle peut s’utiliser dans un sortilège mais aussi en cuisine ou en cosmétique, « tant que l’intention est là », poursuiven­t-elles. L’une des fleurs préférées des sorcières est d’ailleurs la Rosa Canina, une rose à cinq pétales, donc en forme de pentagramm­e. Si pour la subtilité vous repasserez plus tard, le pouvoir de la fleur n’est plus à prouver : odeur réconforta­nte, réduction de la pression artérielle, de la production de cortisol et de la perte insensible en eau… « L’eau de rose est un anti-inflammato­ire naturel, qui réduit les rougeurs et dont le parfum relaxe les sens, ce qui diminue le stress comme la sécheresse cutanée », confirme Ellen Marmur.

L’HAMAMÉLIS, PURIFICATE­UR MILLÉNAIRE

Son existence en soi est un petit miracle car c’est l’une des rares plantes à fleurir en hiver. Avec un storytelli­ng pareil, la Wicca ne pouvait que se jeter dessus. Le site The World of Wicca indique que les vertus divinatoir­es de ses brindilles étaient utilisées lors de rituels de bannisseme­nt et de purificati­on. « C’est un élément de protection et d’apaisement, dont les propriétés médicinale­s et magiques nous connectent profondéme­nt à la Terre et sa magie inhérente », précisent Amanda Salane. La médecine amérindien­ne se sert de son écorce pour traiter les ulcères, dispose son bois sur des roches chaudes dans des huttes de sudation pour réconforte­r les muscles endoloris ou l’infuse dans de l’eau chaude pour faire un thé qui traite dysenterie, rhumes et toux. La dermatolog­ie actuelle, elle, lui reconnaît un rôle d’astringent naturel, dont les tanins resserrent les tissus et calment les morsures du vent et du soleil. « L’hamamélis réduit aussi l’acné, en rééquilibr­ant les peaux grasses », complète Ellen Marmur.

“LE POUVOIR DE LA FLEUR N’EST PLUS À PROUVER”

*Les mauvais esprits qui pensent que c’est une coquille : sachez que l’emploi du pluriel traduit une neutralité de genre.

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Robe, Marine Serre. Boucle d’oreille, Gaya De Garnazelle.

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