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Des idées pour se coucher moins bête

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C’est peut-être parce qu’elle n’a pas été aussi mal payée depuis vingt ans, mais on a rarement vu une Marion Cotillard aussi remontée.

Qu’est-ce qui a vrillé l’an dernier dans la carrière de Marion Cotillard ? A-t-elle offensé une huile hollywoodi­enne ? Ou juste décidé de tout plaquer ? Celle qui depuis 2010 comptait à son actif plus de blockbuste­rs anglophone­s que de films français est subitement retombée non seulement dans le cinéma local

(Les Fantômes d’ismaël), mais en plus pas forcément dans ses régions les plus luxueuses (Rock’n Roll). Avec Gueule

d’ange, la logique est poussée jusqu’à un point qu’on n’aurait osé anticiper : blonde, abîmée, génialemen­t vulgaire, limite cagole, Marion y va franco dans la peau de Marlène, trentenair­e trimballan­t sa fille Elie à travers sa vie dissolue ; mariages ratés, virées en boîte, maquillage over the top et incontourn­able scène de la carte refusée à la caisse du Leclerc. Comme si une oeuvre d’actrice avait, ces derniers temps, moins besoin d’un énième rôle de diva que d’un portrait punk à la Jeune femme, et de préférence dans un premier film. Voilà qui fait du bien :

Gueule d’ange balaie d’un revers de manche dix années d’édificatio­n de l’icône Cotillard. Mais ce film en cache un autre, car Gueule d’ange est surtout l’histoire d’un abandon : un jour, sans prévenir, Marlène disparaît. Elle flanque Elie dans un taxi pour la maison, promet de l’y rejoindre, et ne revient jamais. Elie devient folle, entre dans une sale phase mimétique (privée de sa maman, il ne lui reste qu’à l’imiter : maquillage, inertie et picole) et nous, pendant ce temps, on se dit qu’on a déjà vu ça quelque part. Où ça ? Ah, oui, partout, ces temps-ci. Car de la comédie bon enfant (Roulez jeunesse, de Julien Guetta avec Eric Judor) au drame naturalist­e

(Nos batailles, le prochain Romain Duris), les mères se volatilise­nt à tout-va, abandonnan­t foyers et enfants, et offrant au climat d’émancipati­on actuel un drôle d’écho fictionnel. Comme s’il fallait mettre en scène, en version exacerbée, l’abolition de la charge mentale : les mecs, les gosses, on n’en peut plus, démerdez-vous sans nous. T.R.

Gueule d’ange de Vanessa Filho avec Marion Cotillard, durée : 2 h.

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