Stylist

Clara va vous fumer

On a demandé à la chanteuse Clara Luciani si faire une première couv’, c’était plutôt tirer la couverture à soi ou sortir under cover.

- Par Morgane Giuliani - Photograph­e Théo Gosselin

Ça fait quoi d’être en couv ?

Ça fait quoi d’être cover-girl, pour la première fois de sa carrière ? Tu tiens le coup ?

C’était très excitant. Je ne me suis jamais vue comme une cover-girl, j’étais plutôt la petite gamine complexée qu’on mettait sur le côté. Si on m’avait dit que je serais un jour en couverture, ça m’aurait bien fait marrer.

Tu n’as jamais rêvé d’avoir ton visage partout dans les kiosques, comme toutes les chanteuses ?

Non, faire la Une n’a jamais été un rêve d’enfant. Le mien, c’était vraiment que les gens entendent ma musique. Mais finalement, peut-être que faire la couverture d’un magazine s’inscrit dans cette démarche : cela peut aider à la rendre plus accessible.

Lève le bras, tourne à droite, relève le menton. Tu as été super-docile pendant le shooting. C’était plus simple pour toi que de te mettre toi-même en scène ?

C’est peut-être le seul moment de ma vie où j’accepte qu’on me dise quoi faire (rires). Je me sens tellement étrangère à la mode et aux photos que je ne peux rien faire d’autre qu’écouter. Je trouve ça marrant qu’on me pomponne, qu’on m’emmène à droite à gauche et qu’on me demande de me tenir comme ceci ou comme cela. J’ai du mal à y voir de la gravité, donc cela ne suscite pas le même trac que la musique, par exemple. Et surtout, j’ai envie de découvrir quelle femme je vais être à travers le prisme de l’équipe. Devenir une sorte de toile vierge sur laquelle le photograph­e projette ce qu’il a envie. Ça fait du bien, je n’ai pas beaucoup de moments comme ça dans ma vie. Il faut parfois savoir laisser faire les autres.

Et quand tu dois décider de ta propre scénograph­ie, sur scène, par exemple, ça donne quoi ?

J’ai jamais trop fait attention à la scénograph­ie, je l’ai travaillée malgré moi. Je pense que je suis toujours un peu maladroite. Quand je vais voir des concerts, je suis souvent plus sensible à la manière dont l’artiste interagit avec le public qu’à des chorégraph­ies et des mises en scène super-ficelées. Plein de gens dansent et ça m’énerve, je veux aller au plus simple et être directe, je n’ai pas envie de fioritures. C’est ça, ce qui me touche, pas des gens qui tortillent des fesses.

Tu te souviens de Unes de magazines qui te faisaient rêver ?

Celles de Star Club (rires). Toutes celles de Britney, j’en étais folle. Je me rappelle l’une d’elles, pour Rolling

Stone, sur laquelle elle pose devant le drapeau américain. Je la trouve incroyable.

Elle a aussi posé nue plusieurs fois (pour Rolling Stone ou pour le Harper’s Bazaar alors qu’elle était enceinte). On peut t’attendre sur ce créneau-là ?

Non, je suis assez pudique et il y a un côté femme-objet qui me dégoûte un peu. Je me protège de tout ça. Je fais en sorte qu’on me considère pour ce que je fais, pas pour ce à quoi je ressemble. Si les gens veulent de la nudité, ils la trouveront dans mes chansons.

Est-ce qu’il y a des poses qu’on n’aurait pas pu te demander de faire ?

Je n’aurais pas aimé poser avec les mains dans les cheveux façon fifille ou prendre des attitudes trop mannequin, trop mode. Ça ne

me ressemble pas et ça aurait mis tout le monde mal à l’aise, moi la première. Mais l’équipe était très respectueu­se de ce que je suis, et je pense qu’elle n’aurait pas insisté dans ce sens.

Tu te sens comment quand on pointe un objectif sur toi ?

Embarrassé­e, vraiment. Là, quand c’est organisé, que je suis maquillée et avec un photograph­e, je me calme. Mais quand des amis essaient de me photograph­ier, je suis intimidée. J’ai du mal à regarder des clichés de moi et à m’écouter chanter. Ce qui est finalement le plus éprouvant avec la promo, c’est d’être confrontée à mon image. Si je peux éviter de me voir, je le fais. Quand je passe devant un miroir, je ne m’arrête pas. Donc l’exercice de poser pour une couverture m’amuse, mais vous ne me verrez pas faire des selfies.

Avant de te lancer en solo, tu faisais partie du groupe La Femme. Tu avais d’ailleurs fait une cover pour Magic, à l’époque. Là, tu poses seule en couverture pour la première fois. Fini de se cacher ?

J’ai l’impression que depuis que je fais de la musique, je suis dans l’effeuillag­e. Je me suis d’abord présentée dans un groupe où l’on était très nombreux, avec une euphorie permanente dans laquelle j’essayais de me dissimuler. Puis dans un duo où je me suis cachée derrière l’anglais. Sur mon premier EP, j’étais en cape et en chapeau, et j’aurais été incapable d’être autrement. J’avais besoin d’un accoutreme­nt de super-héroïne, pour me donner du courage. Là, c’est un pas énorme pour moi d’être dans une esthétique plus naturelle et simple. Mais cet album est tellement autobiogra­phique qu’il fallait que j’abandonne le chapeau et la cape. C’est vraiment l’aboutissem­ent d’un parcours initiatiqu­e.

Si tu avais pu éviter de poser pour cette couv’ et qu’on t’avait laissé le choix de mettre ce que tu veux pour te représente­r, tu aurais choisi quoi ?

Une girafe. Je mesure 1,82 m et on s’est toujours moqué de ma taille. On m’appelait la girafe et ça me faisait beaucoup de peine. Donc voilà, cette couv’, c’est la revanche de la girafe !

Puisqu’on parle de revanche : ton visage va être distribué à la sortie des métros. Tu espères qu’il tombera entre quelles mains ?

Je pense surtout à l’un de mes ex, dont je parle d’ailleurs sur L’EP (Monstre d’amour, 2017). À chaque fois que je suis un peu médiatisée, je me dis qu’il va tomber dessus. Par exemple, j’espère qu’il a vu la campagne d’affichage dans le métro et qu’il s’est dit « putain, elle est encore là, elle ? » Je ne suis pas forcément rancunière,

mais il y a quelques personnes que j’ai envie de hanter. Je pense souvent aux gens qui ne m’ont pas prise au sérieux, et je me dis… et vlan !

Et à part lui ?

Quand j’étais petite, j’étais vraiment vilaine, pas jolie, et ça me gênait. Cette Une, c’est comme une revanche de vilain petit canard. Je pense aussi souvent aux gens qui ne m’ont pas prise au sérieux. Cette couverture est une victoire, et je la savoure. Même si j’ai encore beaucoup de choses à prouver, bien sûr.

Parmi les fringues que l’on t’a proposées pour le shooting, tu as choisi des tenues inspirées des années 60 et 70. Tu n’es pas bien en 2018 ?

Avant le shooting, on a donné des marques, des inspiratio­ns et on a regardé en arrivant. On s’était très bien compris. C’était très facile. Il y avait tout ce que j’appréciais : des costumes assez androgynes avec des looks un peu oversize, des styles modernes avec un clin d’oeil seventies. C’est compliqué d’aimer le vintage sans être une friperie ambulante, sans tomber dans le pastiche. Les années 60 et 70 se sont très bien portées sans nous, elles sont derrière nous. Maintenant, il y a autre chose à écrire.

Visuelleme­nt, qu’est-ce que tu garderais de cette époque ?

Le rétro-futurisme de Pierre Cardin ou de Paco Rabanne pour la mode. Oscar Niemeyer pour l’architectu­re – d’ailleurs je rêve de voir Brasília (capitale du Brésil façonnée par Niemeyer à la fin des années 50, ndlr). J’aime les lignes, l’impression de pureté, d’intemporal­ité.

Puisqu’on est dans le vintage, on t’a sélectionn­é des Unes marquantes de magazine. Voici celle d’interview avec Lana Del Rey, que tu aimes beaucoup. Qu’est-ce qui te plaît chez elle ?

Je trouve qu’elle arrive à porter un héritage esthétique tout en étant résolument moderne. D’ailleurs, je pense que globalemen­t les gens sont trop sévères avec elle. Si elle a envie de se refaire la bouche, on s’en fout. Ça ne l’empêche pas d’écrire ses chansons.

En 1967, Jimi Hendrix met le feu à sa guitare sur scène à Monterey, en Californie. Vingt ans plus tard, Rolling

Stone en fait sa couv’ pour fêter ses deux décennies. Incendier ta guitare pour marquer l'histoire, tu en serais capable ?

Impossible, même pour la couv’ de Rolling Stone ! Remarque, j’ai d’autres guitares que ma Fender Jazzmaster que j’aime moins, que je pourrais utiliser en doublure et brûler. Mais c’est hyperbeau, elle est belle cette photo. On dirait une incantatio­n, un truc un peu vaudou. Ça lui va bien. Mate-moi son cul ! Tu nous as trouvé la pire couverture du monde. Ça me rassure beaucoup sur les photos qu’on a faites tout à l’heure (rires). J’adore déconner, mais je n’ai pas trop de second degré par rapport à ma musique et mon image. Cet album est tellement sérieux pour moi que j’aurais du mal à poser en mode « lol ». Peut-être que le deuxième sera un disque humoristiq­ue avec des featurings de Dany Boon, on n’est à l’abri de rien ! Je me laisse toutes les portes ouvertes.

 ??  ?? Veste et pantalon en laine, Pallas
Veste et pantalon en laine, Pallas
 ??  ?? Combinaiso­n et ceinture en laine et soie, Gucci.
Combinaiso­n et ceinture en laine et soie, Gucci.
 ??  ??
 ??  ?? ses 5 dates clés 10.07.1992 NAISSANCE À MARTIGUES (13). 12.08.2011 RENCONTRE AVEC LA FEMME AU FESTIVAL PANTIERO, CANNES. 30.11.2017 PREMIÈRE PARTIE DE BENJAMIN BIOLAY AU ZÉNITH, PARIS. 06.04.2018 SORTIE DU PREMIER ALBUM SAINTE VICTOIRE. 29.01.2019...
ses 5 dates clés 10.07.1992 NAISSANCE À MARTIGUES (13). 12.08.2011 RENCONTRE AVEC LA FEMME AU FESTIVAL PANTIERO, CANNES. 30.11.2017 PREMIÈRE PARTIE DE BENJAMIN BIOLAY AU ZÉNITH, PARIS. 06.04.2018 SORTIE DU PREMIER ALBUM SAINTE VICTOIRE. 29.01.2019...
 ??  ?? Chemise en popeline de coton,
Pantalon en coton, Hotait. Hanane Gauchère. Photograph­e : Théo Gosselin assisté de Rosalie Nguyen. Styliste : Julie Nivert assistée d’audrey Louis-amédée. Maquillage et coiffure : Les Filles @ La Franchie Agency....
Chemise en popeline de coton, Pantalon en coton, Hotait. Hanane Gauchère. Photograph­e : Théo Gosselin assisté de Rosalie Nguyen. Styliste : Julie Nivert assistée d’audrey Louis-amédée. Maquillage et coiffure : Les Filles @ La Franchie Agency....
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France