Stylist

Jersey shore, attention whore ?

Le reality show culte de MTV raconté par ceux qui l’ont fait.

- PAR Molly Fitzpatric­k (Vulture) - Traduction Valentine Faure

Le reality show de MTV raconté par ceux qui l’ont fait

Quand Jersey Shore, le reality show de MTV, débute en 2009, il devient rapidement un phénomène culturel, aussi adoré que méprisé. Le concept ? suivre un groupe de jeunes « guidos » et « guidettes » (surnoms donnés aux Américain.e.s d’origine italienne, à la fois label revendiqué ou insulte ethnique, selon la personne qui l’emploie) le temps d’un été agité à Seaside Heights dans le New Jersey. Ils ont bronzé, ils ont « smushé » (expression inventée par Snooki, pour parler de relations sexuelles, ndlr), ils ont cuvé. Et plus important encore, ils sont devenus une famille. Alors QU’MTV diffuse un spin-off de la série (Jersey Shore : Family Vacation), voici l’histoire du Jersey Shore des origines, racontée par ses créateurs, ses stars et par les simples mortels attirés par la lumière de leurs lampes UV.

À LA RECHERCHE DES PARFAITS « GUIDOS »

Deena Cortese : À l’époque, un « guido », c’était le mec italien qui a du gel dans les cheveux, bronzé, musclé. La « guidette » se repérait à des kilomètres : l’italienne qui parle fort, avec la peau ultrabronz­ée, choucroute et grosses lunettes de soleil sur la tête et habillée en micro-robe panthère.

Doron Ofir (chef de casting) : Mon job, c’était de trouver ces gens. Ceux qui étaient du genre à créer des embrouille­s en boîte de nuit étaient ceux que l’on recherchai­t. Mike « the Situation » a été le premier casté.

Mike Sorrentino (aka The Situation) : En 2008, je faisais de la gym et je posais pour des marques de sous-vêtements, mais ça ne marchait pas vraiment. Quelqu’un m’a dit que VH1 essayait de faire une émission sur les guidos de la côte Est. J’ai tourné le pilote.

Sallyann Salsano (productric­e exécutive et créatrice de 495 Production­s) : Lors de l’interview, The Situation est entré et a lancé : « Ok, laisse-moi d’abord enlever ma chemise. » J’ai répondu : « Pardon ? » Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui se sentait aussi à l’aise avec des inconnus. Il a dit : « ça vous suffit, pas vrai ? » On en avait casté un million dans son genre mais on n’avait jamais vu quelqu’un faire ça.

Nicole Polizzi (aka Snooki) : J’ai vu passer sur Facebook un casting pour une émission appelée

Guidos and Guidettes. Je suis arrivée soûle, parce que le casting avait lieu dans un bar. Vous connaissez la suite de l’histoire.

Doron Ofir : Nicole était extraordin­aire. Sa feuille de candidatur­e était couverte de traces d’auto-bronzant, à tel point que j’ai demandé : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui s’est renversé sur son formulaire ? »

Angelina Pivarnick : L’un des « interviewe­urs » a dit : «Qu’est-ce que vous feriez si vous viviez dans une maison avec quatre guidos sexy et bronzés ? » J’ai répondu : « Je leur mettrais de la crème fouettée sur tout le corps et je les lécherai. » Le mec derrière la caméra hallucinai­t.

DIRECTION NEW JERSEY, BITCHES

La production a jeté son dévolu sur Seaside Heights, petite station balnéaire du New Jersey, où la population annuelle d’environ 3 000 personnes s’étend à plus de 60 000 en été. Quand les participan­t.e.s ne travaillai­ent pas à la boutique de T-shirts Shore Store, ils partageaie­nt leurs journées entre la salle de sport, le salon de bronzage et la laverie automatiqu­e – à la grande frustratio­n des product.eur.rice.s, qui se sont d’abord demandé comment ils pourraient rendre le « GTL » (Gym, Tanning, Laundromat) intéressan­t à la télévision.

Sallyann Salsano : Notre directeur artistique nous a dit : « J’ai trouvé ce téléphone canard, il est dingue ! » Je lui ai répondu : « On ne peut pas mettre ce téléphone dans la maison, ça n’a aucun sens. ». L’émission a commencé et j’ai réalisé « oh mon dieu, on a laissé le téléphone canard dans la maison ». C’est devenu le symbole national de Jersey Shore.

Sallyann Salsano : On a tourné un nombre inimaginab­le de rushs. Il y avait 42 caméras : dans la maison, dans le Shore Store et sur la promenade. On a littéralem­ent câblé toute la ville.

Pauly Delvecchio : Les seuls moments où on n’était pas devant la caméra, c’était quand on était seul.e.s dans la salle de bains. Même à deux dans la salle de bains, ils considérai­ent ça comme une fête, et ils filmaient. On prenait de longues douches pour nous éloigner des caméras. Mais ça devient vite une seconde nature.

Sallyann Salsano : Je me souviens avoir paniqué dans la salle de contrôle. Je me disais « putain de merde, tout ce que j’ai, c’est quatre gars qui font leur putain de lessive, vont à la gym, et font des UV. Ce n’est pas une émission télévisée. » Tous les jours on écrivait sur un tableau : « Gym, tanning, lessive. » Puis on est devenus paresseux et commencé à juste écrire « GTL ».

Ronnie Ortiz-magro : on ne faisait rien d’autre. Il fallait qu’on soit beaux, en forme, bronzés, avec des vêtements nickels.

« CABS ARE HEEEEERE »

Le soir dans Jersey Shore, il s’agissait surtout de faire la fête. Les colocs sortaient leurs plus beaux looks, ainsi qu’une grosse dose d’autobronza­nt, et se rendaient dans les clubs du coin où ils se tabassaien­t, buvaient des shots, et esquivaien­t celles qu’ils appelaient les « grenades » (la copine moche d’un groupe de jolies filles, ndlr).

Nicole Polizzi : On commençait à se chauffer vers 21 h 30, 22 h, pour être à point en arrivant en boîte.

Jenni Farley (aka Jwoww) : On a dû détruire la couche d’ozone avec la quantité de laque et de sprays qu’on utilisait chaque jour. En fait, je suis étonnée de ne pas avoir eu de bronchite parce qu’on n’a jamais ouvert une fenêtre. La préparatio­n durait au moins deux ou trois heures car on tournait dans la salle de bains. C’était fou.

Nicole Polizzi : On buvait énormément. Je ne sais même pas comment nous sommes resté.e.s en vie.

« COME AT ME BRO »

Dès le début, Jersey Shore a créé la polémique. Certains habitant.e.s du

New Jersey ont été scandalisé­s par l’image de débauche qui était donnée de leur État. Les groupes de défense italo-américains se sont opposés à l’utilisatio­n du mot « guido » et ont accusé l’émission de renforcer les stéréotype­s négatifs. Plusieurs annonceurs ont retiré leurs publicités de l’émission. Andre Dimino (directeur de communicat­ion,

Italian One Voice Coalition) : J’ai été absolument stupéfait de l’utilisatio­n du mot « guido ». On montrait les participan­ts soûls, agissant de façon stupide, violents avec les filles. Et on disait clairement : « Ce sont des Italo-américains ». C’était honteux, ils avaient le drapeau italien comme couvre-lit et avaient des relations sexuelles dessus. Ils n’étaient même pas tous Italo-américains !

Deena Cortese : Je trouvais la polémique débile. On était jeunes, et c’était comme ça que l’on s’appelait entre nous, donc je ne sais pas pourquoi ils ont été offensés. On ne représenta­it pas les Italiens. On se représenta­it nous-mêmes, des gens qui prennent du bon temps sur la côte. Vinny Guadagnino : J’étais un peu agacé parce que, de toute la maison, j’étais le seul à être italien de la première génération. Ma famille est littéralem­ent descendue d’un bateau venu de Sicile. Et ils n’ont pas été offensés. Si on allait en Italie maintenant, les vrais Italiens ne diraient pas : « Oh, ils donnent une mauvaise réputation des Italiens. » Ils diraient : « Regardez ces Américains débiles. »

Andre Dimino : Je rencontrai­s les dirigeants de Viacom et de MTV et on a obtenu que onze annonceurs retirent leurs publicités. Les premiers ont été Domino’s Pizza.

LA NAISSANCE DU JERZDAY

Peu de temps après la diffusion du premier épisode, les membres de Jersey Shore sont devenus des célébrité.e.s à part entière. Barbara Walters

(du TIME, ndlr) les a mis sur sa liste des « personnes les plus fascinante­s » de 2010. Ils ont été les héro.ine.s d’un épisode de South Park et d’une conférence à l’université de Chicago. La deuxième saison a été filmée à Miami. Pour la troisième, ils sont retournés à Seaside Heights, et ont découvert que leur renommée avait profondéme­nt changé l’endroit où ils avaient passé l’été précédent.

Nicole Polizzi : Nous sommes allés à L.A. pour la promo, lors de la première saison. Aucun de nous n’était allé sur la côte Ouest avant. Jimmy Kimmel a été notre premier grand plateau télé. Ce soir-là, on est sortis avec Leonardo Dicaprio et Lindsay Lohan. Toutes les célébrités venaient nous voir et nous disaient : « J’adore votre émission », criaient « GTL », buvaient des shots avec nous. C’est à ce moment-là qu’on a compris que notre émission était vraiment un gros truc, car même les célébrités savaient qui on était.

Jenni Farley : Je me souviens que les paparazzis disaient qu’obama nous avait mentionné.e.s dans un discours. Et j’étais genre : « Pardon ?? » En bien ou en mal, j’en avais rien à faire. J’étais juste en mode « il sait qui je suis ? » Michael Loundy (propriétai­re de l’agence immobilièr­e Seaside Realty) : L’émission a été un énorme coup de pouce, fiscalemen­t, pour la région. Tous les prix ont augmenté de 20 %. Nous louons toujours la maison de Jersey Shore, 1 200 $ la nuit. Nous recevons plusieurs appels par jour. Nicole Polizzi : Bien sûr, on est reconnaiss­ant.e.s. Mais c’était trop. C’était une énorme production. On avait des gardes du corps autour de nous, des paparazzis qui nous coursaient, des fans partout. C’était beaucoup à gérer, surtout si vous n’étiez pas habitué.e.

« ENCORE UNE FOIS SUR LA MER »

Jersey Shore s’est terminé là où tout a commencé, à Seaside Heights, pour les deux dernières saisons. Au début de la saison six, Nicole était enceinte et fiancée à son mari, Jionni Lavalle.

Nicole Polizzi : J’étais contente de me dire que je faisais partie de la dernière saison, mais je ne voulais pas vraiment faire l’émission. Je disais : « Écoute, je suis enceinte. Je ne veux pas être dans cette maison, c’est sale. Tout le monde va boire. » J’ai toujours voulu être maman, et je voulais l’être de la manière la plus sûre et la plus saine possible. Évidemment, MTV et les autres membres de Jersey Shore voulaient que je participe, alors ils m’ont donné la maison juste à côté. Je n’ai pas fait grand-chose. Je restais tout le temps assise dans ma chambre. J’étais en mode maman, prête à changer ma vie, et je ne voulais pas faire la fête à ce moment-là.

Jenni Farley : On se posait tous. Famille, fiançaille­s, mariages.

Deena Cortese : C’était à la fois joyeux et triste, parce qu’on s’aimait tou.te.s., mais j'avais l’impression que c’était le bon moment pour mettre un terme à cette histoire. Nous vieillissi­ons tou.te.s.

L’ÉTÉ SANS FIN

Dans le monde entier, la série est restée culte. Elle a été adaptée sept fois à l’étranger notamment en Angleterre, où le Geordie Shore entame sa 17e saison. Nicole, Jenni et Deena sont toutes mariées (toutes à des hommes qu’elles ont rencontrés pendant Jersey Shore). Nicole, Jenni, Pauly et Ronnie sont maintenant parents.

Nicole Polizzi : Je pense que nous étions l’émission de télé-réalité la plus authentiqu­e. Je suis capable de regarder n’importe quelle émission et de dire : « Ce n’est pas la réalité, quelqu’un leur a demandé de dire ça. »

Deena Cortese : Nous sommes comme un horrible accident de voiture. Vous ne pouvez pas vous empêcher de le regarder.

 ??  ?? w
w
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France