MON FARC DANS LA NUIT
Des milices colombiennes, un amour interdit, et un mix de réalité et de fiction qui a lui aussi pris soin de se perdre dans la forêt.
Jorge Enrique Botero fait partie des rares journalistes à avoir eu ses entrées chez les FARC. Une situation à double tranchant qui lui permit de récolter de glorieux scoops, mais aussi d’être accusé de receleur docile des plans de com’ des guérilleros, voire d’affreux affabulateur. Ce dernier reproche ne semble pas le perturber. Attends-moi au ciel, capitaine en fournit la preuve : le reporter y romance son enquête sur Manzana, jeune homosexuel de l’armée colombienne fait prisonnier par les FARC qui, durant sa captivité, entretint une relation passionnelle avec son supérieur. L’exercice tient en partie du pied-de-nez d’un équilibriste s’amusant à narguer ses détracteurs depuis la crête séparant réalité et fiction. Mais si les deux s’entremêlent, c’est moins par la volonté du journaliste-romancier que sous l’influence de la jungle et de la guerre où tout finit par se confondre : Manzana devient narrateur, tandis qu’un alter ego de l’écrivain se retrouve désigné à la troisième personne, puis l’action présente fusionne avec les souvenirs et les identités sexuelles vacillent. Dans ce beau récit entre reportage et poésie, ne restent plus que « des hommes mêlés aux branches ». P.-E.P.
Attends-moi au ciel, capitaine de Jorge Enrique Botero, trad. de l’espagnol (Colombie) par Elvine Boura-dumont, éd. Marchialy, 168 p., 19 €.