Des idées pour se coucher moins bête
Le seule-en-scène parfait pour confirmer l’impression, tranquillement installée ces derniers mois, d’une Gardin partie pour rester.
Ces derniers mois, elle a hacké à deux reprises votre timeline. Une première fois pour remettre un César, pin’s Louis C.K. d’un côté de la robe, ruban blanc #Maintenantonagit de l’autre, entretenant ce trouble dans son discours : « Les producteurs n’ont plus le droit de violer les actrices mais est-ce qu’on a encore le droit de coucher pour des rôles ? » La deuxième fois, c’était encore pour remettre un prix, mais cette fois à elle-même : le Molière du meilleur spectacle comique. Ce coup-ci, elle continue de brouiller les pistes autour du thème de la « discrimination positive » : « C’est tout moi, le jour où je gagne un prix, il n’a aucune valeur. » Entre ces sorties remarquées, la comédienne révélée en 2006 par Jamel a comme qui dirait changé de statut. Il y a, aujourd’hui, de l’électricité dans l’air qui l’entoure : l’attention médiatique est agressive, la statuette a officialisé une rumeur grandissante dans les couloirs du stand-up (allez, lâchons le mot : il n’y a personne de meilleur qu’elle chez nous), mais des suspicions de maladresse anti-#metoo lui collent aux basques. Alors elle fait gaffe, quand on demande si on peut l’interroger (« Vous voulez bien vous en tenir au spectacle ? Elle préfère ne pas en rajouter… »). Et sauvegarde la scène comme zone de contrôle et de confort. Droite dans sa petite robe, comme une gamine à L’école des fans, faussement ingénue (son gimmick le plus repérable est un petit rire de fillette, lâché en contrepoint de ses monologues no filter sur l’anxiété médicamenteuse et la coloscopie), elle déroule dans Bonne Nuit Blanche un art comique d’une brillance absolue. Il y a les sujets où on l’attend au tournant (un passage ahurissant sur la charge érotique des témoignages #balancetonporc), et ceux où elle prend tout le monde de court (une géniale psychanalyse de l’érection), mais il y a surtout la certitude de tenir là la plus haute idée du stand-up qui soit : une heure qui heurte, qui bouscule et qui garde l’équilibre, aussi loin du politiquement correct que des chouineries machos à deux balles (« on peut plus rien dire »). Est-ce qu’elle mettra, ce coup-ci, tout le monde d’accord ? Sûrement pas. Ce n’est pas le but. T.R.
Bonne Nuit Blanche de Blanche Gardin, jusqu’au 29 juin à la Nouvelle Seine, puis à partir du 13 septembre à l’européen.