ESSAI FRAGMENTS D’UN DISCOURS AMOUREUX
Un recueil de poèmes en forme de conjugalité fantasmée : elle parle, il écoute.
L es débats sur l’écriture inclusive nous ont déjà pas mal posé la question : comment parler de la domination masculine dans une langue qui, de toute évidence, la préserve aussi obstinément qu’un aliment avarié dans le fond d’une boîte de conserve hermétique ? « Renverse les mots des hommes pour remettre les choses dans l’ordre », suggère la narratrice d’emmanuelle Rousset. Et puisque les hommes ont eu pendant si longtemps le monopole de la parole, les voilà, pour commencer, renversés dans le silence. Car, si les oaristys dont se réclame ce court récit politico-lyrique étaient, dans l’antiquité, des poèmes où conversent deux amoureux, ici, on n’entend que la femme s’adressant à son amant muet. Pour autant, rien de monotone dans ce monologue. Prof de philo, Emmanuelle Rousset se réfère bien évidemment par endroits à Platon, Nietzsche, Hegel, Rousseau, Spinoza et tutti quanti. Mais Oaristys n’est pas un essai. S’y mêlent aphorismes féministes, arabesques poétiques, déclarations d’amour et dissections des structures inconscientes de nos sociétés qui « contiennent par leurs moeurs le jugement des femmes. » Si seulement quelqu’un pouvait l’offrir ce Noël à Élisabeth Lévy… P.-E.P.
Oaristys d’emmanuelle Rousset, éd. Verdier, 128 p., 13 €.