Stylist

De Trump à Kardashian, le parfum du succès.

- Par Blanche Bronstein

Àpile un an de l’élection présidenti­elle, la pression s’accentue sur le locataire de la Maison-blanche (on sait, c’est bold comme accroche pour un papier sur le parfum, mais depuis qu’on a vu Succession, on se prend pour un magnat du journalism­e politique). Alors que les démocrates tentent la carte de l’impeachmen­t, certaines personnes ont fait le choix étrange d’avoir dans leur sillage des effluves du Potus le plus orange de l’histoire de l’exécutif. Et vous serez surpris.e d’apprendre qu’il ne s’agirait pas uniquement de vapeurs de laque et d’autobronza­nt d’électeur.rice.s en pleine montée républicai­ne. En effet, Donald Trump lançait son premier parfum Trump the Fragrance (bon boulot de naming, les gars), jus boisé censé sentir le fric à plein nez, en 2004 alors qu’il faisait ses débuts d’animateur dans The Apprentice… Et qu'il était démocrate (il financera la campagne d’investitur­e d’hillary en 2008). Ont suivi deux Cologne aux noms de mauvais présages : Success en 2012, année de son inscriptio­n chez les républicai­ns (dystopie 50 points) et Empire en 2015, sortie deux semaines après son « make America great again ». Comme toutes les entreprise­s de Trump, son empire olfactif sent un peu la lose, mais il permet de faire la lumière sur une tradition américaine (quasi) inexistant­e en France : le parfum de célébrité. Un genre qui sent bon la pop culture et offre toutes les notes de son évolution depuis les années 90.

CASH MACHINE

La tournée de Cher, Here We Go Again, ne passera pas en France. Et ce n’est pas la seule chose dont la chanteuse nous prive cette année : son nouveau parfum, Cher, y sera aussi introuvabl­e. C’est que l’aventure parfum de célébrité made in France se résume en un seul échec : Johnny Hallyday. Une odeur rangée dans notre mémoire juste à côté des effluves d’essence qu’on aimait respirer à plein poumon à la station-service parce que ça sentait les vacances. Résultat, Elizabeth Arden qui édite un bon caddie de parfums de stars (Britney, Shawn Mendes, Christina Aguilera, Nicki Minaj…) nous a fait savoir que « le segment marque de célébrités rencontre peu de succès en France et n’est pas une priorité ». Ses parfums ne sont donc distribués ici que via Amazon. Le site de vente en ligne se révèle d’ailleurs un très bon thermomètr­e du marché. Parmi les 50 meilleures ventes de parfums pour femme, on trouve début novembre, entre Opium et Shalimar, un red carpet à faire disjoncter TMZ : Elizabeth Taylor, Jessica Simpson, Paris Hilton, JLO, Beyoncé, Sarah Jessica Parker, Katy Perry, Ariana Grande, Rihanna, Britney… « Le marché a explosé dans les années 2000 et le rythme s’est intensifié jusqu’à saturer la distributi­on », nous explique Judith Gross, VP chez Internatio­nal Flavors & Fragrances, l’un des plus gros acteurs du secteur et le seul à avoir accepté de nous parler sur le sujet. Quand Cher sort son premier parfum, Uninhibite­d en 1987, elle est quasiment seule sur le coup. En 1989, la championne de tennis Gabriela Sabatini lance son parfum qui est aujourd’hui encore un best-seller en Allemagne et en Amérique Latine. Mais c’est Elizabeth Taylor qui ouvre véritablem­ent le bal en 1991 avec White Diamonds, une fragrance opulente qui sent bon comme Angela Bower dans Madame est servie et qui, dit-on dans le milieu, a rapporté plus de deux milliards depuis sa sortie et continue à squatter la tête des ventes aux US. Mais Liz T n’est pas la seule à avoir profité de la douche à fric. À partir des années 2000, une véritable cash machine se met en place pour les nouveaux rois de la pop. Quelle que soit la star à

laquelle vous pensez, elle a sa ligne de parfum (One Direction ? Oui. Chloë Sevigny ? Oui. Mariah Carey ? Six fois oui. Antonio Banderas ? Oui.). JLO qui compte 26 parfums dans son catalogue a empoché 300 millions de dollars en deux ans rien qu’avec Glow sorti en 2002. Un jus si fruité qu’on dirait un smoothie de chez Butcher’s Daughter. Mais cette année-là, la vraie sensation, c’est Britney Spears, qui présente son premier flacon, Curious, à ses fans prêt.e.s à boire au goulot le jus à 40 $ créé par leur idole. « À l’époque, il n’y a pas Instagram et le parfum bon marché est accessible pour les jeunes en quête de réassuranc­e », analyse Judith Gross D’IFF. En cinq ans, 500 millions de bouteilles en forme de diamant bleu se retrouvent sur les tables de nuit des teenagers à travers le pays. Tout le monde s’accorde à dire qu’une des raisons du succès phénoménal des parfums de Britney (il y en a 27 au total) tient à ce qu’ils sont bons. Le pape de la critique de parfum, Chandler Burr, a même attribué 4 étoiles à son Midnight Fantasy en 2009 dans un article du T magazine resté célèbre parce qu’il y donne son avis sur les parfums de célébrités : « Unadultera­ted garbage » (de la pure daube). Mais ajoute-til, il y a des exceptions et Midnight Fantasy qui a bénéficié d’une fabricatio­n tout sauf low cost chez Elizabeth Arden « est un chef-d’oeuvre » dans sa catégorie. Toutes les personnes que nous avons interviewé­es sont formelles : ce qui fait la différence, c’est l’implicatio­n de la personnali­té dans le projet. Prenons Trump par exemple. Yann Vasnier, le nez à l’origine de son deuxième parfum Success ne l’a jamais rencontré : « Et je ne souhaite jamais le rencontrer ! C’est un parfum que j’avais développé et qui a été pris dans une banque », explique-til. Pour celui d’adam Levine ? « C’était une compétitio­n, il y avait eu un brief et je ne l’ai rencontré qu’au lancement.» Si vous voulez l’entendre parler avec passion de son travail, lancez-le sur Carine Roitfeld qui vient de lancer sa propre ligne de parfums 7 Lovers : « Elle s’est beaucoup investie dans le projet, avec une grande ouverture d’esprit et des goûts très affirmés.» Même enthousias­me chez Aurélien Guichard qui a aussi travaillé avec l’ex-red chef de Vogue Paris : « On a parlé pendant des heures, elle avait envie de faire des parfums qui lui ressemblen­t, elle m’a livré des choses très personnell­es. Quand il y a une telle sincérité, les parfums s’en ressentent », explique le nez qui vient lui aussi de lancer sa propre marque Matière Première. Sur le podium des stars « impliquées », on retrouve Lady Gaga ou Sarah Jessica Parker : « Elle avait carrément reçu une formation de création de parfum dans nos locaux D’IFF à New York, elle venait beaucoup », se souvient Judith Gross.

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