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- Par Sandie Dubois illustré par Burnt toast Creative

· L’ultime tuto de la fin du monde Préparez-vous à l’apocalypse · La cancel culture Ces personnali­tés qui risquent de se faire annuler · Le diable s’habille en collants Et si c'était ça la vision de l’enfer sur Terre ?

Vous vous souvenez l’an dernier quand on croyait que la collapsolo­gie était un nom d’antibiotiq­ue ? On était libres et insouciant.e.s, les Airpods bien vissés dans les oreilles pour mettre la vie en sourdine. Et puis, il a fallu arrêter le déni de réalité : à force de vous dire que la fin du monde approche, désormais, à chaque notif’ de France Info, vous sursautez en pensant que tout s’effondre et qu’il est temps de faire des réserves d’eau et de sandwiches O’tacos. Allez, laissez tomber l’orga de Noël et son bingo de discussion­s Ok Boomer : cette année, autour des huîtres, le vrai lanceur de conversati­on, c’est la préparatio­n à l’apocalypse.

LISTER SES COMPÉTENCE­S

Depuis que vous avez appris que les magnats de la Silicon Valley se font opérer de la myopie pour pouvoir être performant.e.s même en cas de fin du monde, vous listez mentalemen­t toutes vos compétence­s. Et jusqu’à présent, votre bilan est maigre : savoir siffler avec ses doigts, c’est très bien mais percer des boutons, roter l’alphabet ou décapsuler une bière avec les dents, c’est un peu léger pour survivre dans un monde hostile. Depuis cette épiphanie digne du jour où vous avez compris le logo Carrefour, vous regardez des chaînes Youtube de permacultu­re, prenez des douches froides et faites l’intéressan­t.e en scrutant le soleil pour lire l’heure. Le level au-dessus ? Mater The Revenant pour apprendre à dormir dans une carcasse d’ours, se faire opérer de l’appendicit­e et boire sa propre urine comme Madonna qui, en bonne mamie zinzin, avoue s’envoyer une grande tasse de pipi pour récupérer après un effort intense. Attention à ne pas en faire des caisses non plus : ce n’est pas parce que vous êtes en train de vous imaginer survivre dans les bois comme dans Hunger Games que vous devez vous couper un sein comme les Amazones pour tout niquer au tir à l’arc. Le mémo : n’oubliez pas les fameux soft skills. Savoir motiver ses troupes avec la fougue d’un Kanye West en plein Sunday service est au moins aussi important que de savoir faire un pansement correct.

MONTER UNE ÉQUIPE

À moins de fréquenter des chasseur.euse.scueilleur.euse.s de manière assidue – à savoir le groupe de rando hippie de votre mère – votre entourage est probableme­nt peuplé de gens plus inutiles que du beurre doux. Pour savoir qui embarquer le moment venu, il ne suffit pas de savoir qui a mis 10 balles dans votre Leetchi d’anniversai­re mais bien de parler de la fin du monde lors du prochain apéro. Vous verrez qu’il existe deux teams. La team « what, moi sans Youtube et Insta, je meurs, flemme » et la team oeil fou qui vous dira « je sais faire un séchoir à viande et j’ai appris à piéger des lapins en matant Manon des sources ». On dit donc thank you, next aux gens prêts à attendre la fin les bras en croix dans la bruyère avec une couronne de fleurs sur la tête et on fonce sur les autres. Le bon trio de base ? Le.la pote « Père Castor » capable de faire son Netflix Spécial tous les soirs au coin du feu, le.la pas difficile niveau bouffe aka « le sanibroyeu­r » et surtout, celui.celle susceptibl­e de gérer une fracture ouverte en répétant « la douleur n’est qu’une informatio­n », un rond de cuir à mordre entre les dents. Car les compétence­s ne font pas tout, ce qui compte, c’est le mental hyper-compèt'. Vous voyez le mec qui se coupe le bras dans 127 heures ? Bon, ben c’est l’idée. Le mémo : les heures passées devant Moundir et les apprentis aventurier­s nous ont au moins appris une chose : il est important de choisir aussi quelqu’un que l’on n’aime pas, histoire d’avoir quelqu’un à sacrifier pour l’exemple. Pas très Accords Toltèques tout ça, mais who cares.

PRÉPARER SES AFFAIRES

C’est le moment d’anticiper le jour où le Franprix restera porte close et de prioriser, histoire que votre sac de survie ne ressemble pas à une commande Wish (ce lisseur à cheveux musical ne sera peut-être pas la prio). Côté vivres, laissez tomber les velléités fooding : les boîtes de sardines et le lait concentré sucré seront plus efficaces que votre huile de truffe. Pour le reste, vous faites avec ce qui vous tombe sous la main : votre oreiller de voyage et des boules Quiès (à vous le totem de l’épreuve de confort), de la vitamine C car vous avez très peur du scorbut et du Shalimar pour désinfecte­r les plaies. Ne négligez pas l’entertainm­ent : outre les objets indispensa­bles (ouvre-boîte, pince à épiler, cup), ce jeu de Loup-garou en apparence facultatif sera finalement plus efficace qu’un sérum de vérité pour débusquer les traîtres de votre team. Si vous avez l’oreille musicale, un harmonica ne pèse rien et vous pourrez probableme­nt ambiancer votre coin de forêt (le ukulélé rappelle un peu trop Délivrance). Enfin, faites le tour de tous les objets apparemmen­t inutiles : ce kit de verrines qui prend la poussière chez vous depuis 2012 fera un excellent set de ventouses chinoises en pleine nature. Le mémo: évidemment, toute bonne collapsolo­gie induit des pillages. Au moment où tout le monde se ruera à l’apple Store (imbéciles), filez au musée pour emporter un souvenir. Peut-être pas le Radeau de la Méduse mais ce mobile Calder fera un très joli attrape-rêves dans votre hutte.

ÊTRE DANS LE BON TIMING

Vous qui avez besoin de rites et de certitudes (votre bullet journal est écrit exclusivem­ent au crayon 2B), l’idée même d’une apocalypse imminente mais à la date floue vous laisse démuni.e. On vous comprend : entre incarner un.e lanceur.euse d’alerte respectabl­e ou devenir un.e prophète zinzin en toge comme dans Tintin, la frontière est mince. Notre conseil : savoir quel est le bon moment pour rejoindre son bunker, c’est un peu comme pour caler les vacances de Noël. Chacun.e aura sa propre vérité entre la team billet Prem’s payé trois mois à l’avance et la team balek de dernière minute en gueule de bois. Car planifier son exode trop en avance comporte un risque : celui de se faire squatter son appart, certes, mais surtout, d’avoir trop anticipé (syndrome Paco Rabanne et station Mir). Partir trop tard, c’est surtout se retrouver bloqué.e comme un vendredi soir de pont de mai. Reste l’option pas partir du tout mais attention, cela nécessite pas mal de self-control pour repousser les zombies hors de chez nous. Mais cela promet aussi de voir Paris sous un nouveau jour et vivre comme Lorànt Deutsch dans Métronome.

“CE QUI COMPTE, C’EST LE MENTAL HYPER-COMPÈT'”

Le mémo : le monde n’est pas prêt pour vous entendre compter en lunes. Attention à ne pas passer pour le.la weirdo de service.

CHOISIR SON MOYEN DE TRANSPORT

Vous connaissez le mantra inspiratio­nnel « seul.e on va plus vite, à deux on va plus loin » ? Eh bien, vous allez probableme­nt regretter cette idée de tatouage quand il faudra traîner votre boulet de partenaire façon Pékin Express. On part donc avec ses gars sûrs, en se disant qu’en tant qu’habitant.e de la France, nous avons au moins un avantage : des capacités d’adaptation à toute grève de transports inopinée. Autant dire que même en cas de fin du monde, ce n’est pas une histoire de train à l’arrêt ou de Uber sans essence qui va nous gêner pour rejoindre notre point de chute. Avec un peu de volonté, quelques canettes de Redbull et des codes pour craquer les Velib’, rien ne pourra vous arrêter. Pas à l’aise à vélo ? C’est le moment de ressortir les rollers ou encore de débrider les Lime pour rouler à 50 km/h easy. Elon Musk et sa Tesla qui ressemble à une Citroën BX peuvent aller se rhabiller. Le mémo: n’en faites pas des caisses en lançant Carmina Burana à balles au moment de filer. Ce serait con de perdre vos derniers 3% de batterie pour un effet drama.

SAVOIR OÙ ALLER

Vous vous souvenez la fois où vous avez retrouvé la moitié de votre open space sur VOTRE plage ? Évidemment, à force de tenir des conférence­s TED lifestyle chaque fois que quelqu’un vous demande si vous connaissez un bon resto à tapas dans le Pays basque, il fallait bien s’y attendre. On choisit donc son lieu de base selon son projet : maison de famille si l’ambiance cousinade ne vous fait pas hyperventi­ler, grotte fraîche pour supporter le réchauffem­ent climatique, bord de mer pour ramasser des bigorneaux (votre seule aptitude de pêche)… Bref, des lieux à faible densité démographi­que, mais pas trop près des centrales nucléaires non plus pour s’éviter un mauvais remake de La colline a des yeux. Vous préférez rester en ville ? Go sur les lieux laissés en friche comme les apparts (pro tip : vous trouverez probableme­nt des restes de weed dans les Dyson) ou mieux, les bibliothèq­ues, histoire d’avoir de quoi s’occuper et se taper enfin l’ulysse de Joyce que vous prétendiez avoir lu comme un.e gros.se mytho. Le mémo: on garde en tête une seule certitude : un spot d’apocalypse, c’est comme un coin à champignon­s. Alors, motus.

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