ÇA PASSE OU ÇA CASSE
Fin février, la Cour européenne de justice déclarait recevable le recours du Mouvement International pour les Réparations contre la France. En jeu : une demande d’indemnisation (200 milliards d’euros pour la Martinique) pour les descendant.e.s des victimes de la traite négrière (reconnue depuis 2001 comme crime contre l’humanité), jusqu’alors refusée par les juridictions françaises. Pour Audrey Célestine, politiste spécialiste des questions raciales et des Antilles, ce mouvement s’inscrit dans une histoire de lutte assez longue : « Toutes les sociétés esclavagistes ont connu la mobilisation de gens qui se sont sentis lésés, en particulier ceux qui ont connu la fin de l’esclavage. Il y a eu des demandes de réparations immédiates, parfois symboliques, comme la remise de terres. Le problème aujourd’hui, c’est celui des destinataires. Est-ce qu’on s’arrête aux descendant.e.s direct.e.s ou est-ce qu’on élargit ? Barack Obama, par exemple, n’est pas un descendant d’esclave mais il a pu souffrir du racisme construit aux États-unis par la matrice esclavagiste. Pour certain.e.s, ce problème fait qu’on ne peut même pas considérer l’idée de réparations. Le MIR fait un peu feu de tout bois. Il est à la fois sur des actions très symboliques de mémoire, et une dimension plus sonnante et trébuchante. Ils.elles ont fait des calculs qui peuvent paraître un peu fous mais juridiquement, pour eux.elles, ça se tient : il y a cette idée qu’il faut que l’état paye. Ça ne passe pas forcément par des virements individuels, mais par exemple par de l’argent qui irait dans des territoires construits par l’esclavage.»