Tampon!

Bonne question

Elle fait peur aux enfants et n’aide pas toujours pour draguer. L’oreille en chou-fleur reste d’abord l’apanage des avants. Ces hommes qui ont sacrifié l’esthétique et leurs esgourdes pour l’amour du rugby.

- PAR CHRISTOPHE GLEIZES / PHOTO: ICONSPORT

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’oreille en chou-fleur sans jamais oser le demander.

VISITE MÉDICALE

Le phénomène répond au nom scientifiq­ue de périchondr­ite. Une infection du tissu qui entoure le cartilage de l’oreille externe. À force d’être soumis à des coups violents, les pavillons se déchirent, le sang s’accumule sous la peau pour former un hématome. Ce dernier va progressiv­ement détruire le cartilage restant et déformer l’organe, qui prend un aspect gonflé. “Une fois que ça commence, c’est très dur de contrôler l’avancée de l’infection, prévient Olivier Milloud, pilier aux 50 sélections. Ça évolue rapidement car il faut bien retourner au charbon la semaine suivante.” La ponction est alors envisageab­le. Une épreuve redoutée, même par les gros durs. “Ça fait vraiment mal”, en tremble Julien Brugnaut, première ligne du Racing 92. Pour éviter de souffrir, donc, une seule solution: la prévention. Le port du casque s’est aujourd’hui généralisé. “J’en portais un à chaque match, et comme vous le voyez, ça n’a pas vraiment marché”, relativise quand même Milloud.

POPULATION­S à RISQUES

Les statistiqu­es sont formelles, les joueurs les plus touchés pèsent souvent plus de 100 kilos. Le pilier droit de Montpellie­r, David Attoub, confirme. “Ça arrive le plus souvent au talonneur ou aux seconde ligne, qui vont aller à l’impact et se frotter dans la mêlée. Les arrières sont souvent épargnés.” Et ce n’est pas seulement la force de l’impact qui détermine l’apparition des hématomes, mais aussi la répétition des frottement­s. Autrement dit, selon Olivier Milloud, “que l’on joue au plus haut niveau ou que l’on soit en bas de l’échelle, cela peut arriver à tout le monde”. D’ailleurs, le rugby n’est pas le seul sport touché. “Si vous voulez vraiment en voir des belles, allez faire un tour du côté des judokas ou des lutteurs, il y a de beaux spécimens”, vend Brugnaut.

SIGNE DE RECONNAISS­ANCE

Les oreilles en chou symbolisen­t donc le sacrifice des avants. Sans elles, impossible de passer pour un vrai guerrier. Du moins, à en croire Henri Refuto, auteur de Trop chou, ouvrage définitif sur la question. “Elles étaient la preuve ultime du combat, avance l’ancien troisième ligne de Montpellie­r. Un gage de sérieux pour un avant car il témoignait ainsi de son implicatio­n dans les phases de contact.” Comme un sésame pour entrer dans la confrérie des piliers. “C’est vrai que c’est un signe distinctif, même si on nous reconnaît aussi au gabarit”, relativise Milloud, qui s’est mangé des genoux toute sa carrière pour faire avancer ses coéquipier­s.

QUESTION DE STYLE

“À un moment, c’était assez à la mode, je crois que ce n’est plus le cas”, regrette Julien Brugnaut. Encore que ce dernier s’estime assez bien loti quand il se regarde dans la glace. Mais pour les moins chanceux, il faut bien assumer une fois les crampons remisés. “Quand je marche dans la rue, les adultes regardent vite fait, rigole Milloud, dont les jolis spécimens ont quelque peu dégonflé depuis la retraite. Mais le pire, c’est vraiment avec les enfants. Souvent, ils bloquent carrément dessus.” Reste une question épineuse: et niveau drague? Pour l’ancien internatio­nal, qui parle d’expérience, “ce n’est pas forcément un atout de séduction, mais comme on dit, tous les goûts sont dans la nature”. Et alors que certains passent sur le billard en fin de carrière, Henri Refuto évoque avec nostalgie ces temps “où des joueurs se frappaient les oreilles contre des extincteur­s, des murs voire demandaien­t à d’autres de leur donner des coups de poing pour enfin avoir l’oreille gonflée”. Eh oui, il fallait souffrir pour être beau.

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