Portugal
Au Portugal, le rugby a longtemps été considéré comme un sport pour gens bien nés. Et puis, les Lobos (les Loups) se sont invités à la Coupe du monde 2007. Ces amateurs revendiqués ont chanté et pleuré leur hymne, marqué un essai aux Blacks pour mieux gag
Au pays des champions d’europe de foot, le ballon ovale s’est fait une petite place. Une place surtout au sein de la bourgeoisie lisboète. Mais pour survivre, il sait qu’il est condamné à s’ouvrir socialement et faire appel à une main d’oeuvre francoportugaise.
L’endroit n’est jamais mentionné dans les guides sur Lisbonne. Pourtant, il n’est pas sans dégager un certain charme avec ses collines boisées, son parcours de santé ou sa rivière artificielle pour pratiquer le kayak. Trop à l’ouest de la ville pour attirer le touriste, le parc du Jamor doit son nom à l’ancien stade national de football, charmant anachronisme loin des normes UEFA avec ses tribunes ouvertes au ciel où Eusébio, Futre ou Figo ont évolué jusqu’en 2003. Depuis, la Selecção voyage dans le pays entre les différentes enceintes rénovées à l’occasion de l’euro 2004. Plus sédentaire, le rugby portugais y a trouvé, lui, son pied-àterre. Si le stade principal sert seulement pour les matchs des Lobos, plus bas, deux autres terrains accueillent le week-end des rencontres de championnat ou des différentes sélections de jeunes. Ce samedi-là, en fin d’après-midi, les juniors reçoivent leurs homologues irlandais. L’occasion d’une réunion de famille dont le goût de ses membres pour les manteaux Barbour et les vestes Ralph Lauren donne quelques indices sociologiques sur l’assistance au charme discret de la bourgeoisie locale. Sur la pelouse, les locaux rendent kilos et centimètres à leurs adversaires. Pas grave, il y a de la malice, de l’initiative, de la vitesse, un neuf coquin, un troisième ligne centre qui sait étriller les ballons et des ailiers au format Bernat-salles pour malmener les Celtes. Si la deuxième mi-temps est de trop pour contenir
“Arrêtons de rêver, on ne pourra plus disputer une Coupe du monde avec seulement des vétérinaires, des avocats et des étudiants” Luis Cassiano Neves, président de la Fédération portugaise de rugby
la puissance d’irlandais plus protéinés, cette jeunesse paraît porteuse de promesses. Pourtant, elle n’aveugle pas Luis Cassiano Neves, jeune président de la Fédération portugaise de rugby de 38 ans aux faux airs de Sergio Parisse pas encore vaincu par la calvitie. “À 18 ans, nos gamins ont du talent, ils sentent le rugby, mais on n’arrive pas à leur donner les conditions pour qu’ils se consacrent à leur sport. Et l’écart se creuse irrémédiablement avec un pays comme l’irlande, par exemple.” Il est vertigineux, aujourd’hui. Pire, le Portugal a encaissé l’an dernier une défaite de 50 points face à l’allemagne, “alors que dans le même temps, nos moins de 20 ans battaient les Allemands de plus de 40 points”, constate Miguel Portela, légendaire trois-quarts centre international dans les années 2000. Relégué l’an dernier dans le groupe C du rugby européen, le Portugal ne rivalise plus avec la Géorgie, la Roumanie ou l’espagne, et fréquente désormais des nations comme la Belgique, la Suisse, l’ukraine ou la Moldavie, dont l’amour pour l’ovalie ne vient pas tout de suite à l’esprit. Elle paraît déjà très loin cette époque où les Lobos apportaient un vent de fraîcheur sur la Coupe du monde en France. C’était il y a une petite décennie.
“Je ne veux pas toucher de l’argent pour jouer à ce jeu”
Vasco Uva n’a que 34 ans mais appartient déjà un peu à l’histoire du rugby de son pays. Capitaine lors de la Coupe du monde 2007, le troisième ligne soigne une vilaine blessure au genou tout en oeuvrant dans la finance après une première carrière d’avocat. Ce soir-là, il arbitre un match d’entraînement entre son équipe de Direito, championne nationale en titre, et les Espoirs. Installé au coeur du parc de Monsanto, le club incarne une certaine idée du rugby portugais avec ses parents qui déposent en Audi le fiston et son club-house tout en boiseries d’où on assiste aux rencontres le dimanche. Le genre d’endroit où on ne s’étonnera pas de voir deux espoirs réviser leurs cours d’algèbre avant l’entraînement du soir. En 2007, Vasco étudie lui le droit et guide une équipe où les arrières sont souvent avocats, le demi de mêlée vétérinaire et quelques autres ingénieurs. Dès son arrivée en France, cette bande d’amateurs en col blanc attire très vite la sympathie des nostalgiques d’un rugby pas encore converti au professionnalisme de marché. Et il y a aussi l’appui de tous les Portugais de France. “Pour le premier match à Saint-étienne contre l’écosse, il y avait 20 000 Portugais dans les tribunes, se remémore Uva. Pour la première fois, on a vu tout un pays derrière son équipe de rugby, et cette émotion s’est ressentie pendant l’hymne.” Il y a de l’amour, de la passion, des décibels et des larmes quand ces quinze types entonnent A Portuguesa. À ce moment-là, il revient alors à Vasco tous les sacrifices consentis “aux dépens de nos familles, de nos boulots”, ces entraînements le mercredi à 8h avant d’enquiller la journée de boulot, des copains de Porto “qui se levaient parfois à 3h pour rejoindre Lisbonne”. Il n’a pas oublié non plus la qualification historique arrachée à Montevideo face à des Uruguayens réduits à 14 dès la première minute de jeu, après que Juan Carlos Bado lui a imprimé la marque de ses crampons sur le dos. Il se souvient encore du nom de l’arbitre, “Monsieur Spreadbury, un des meilleurs du monde, il faut l’être pour oser prendre une telle décision”. “Pas de doute, le mec a eu des couilles”, salue André Da Silva. Avec le deuxième ligne David Penalva, l’ancien pilier de Bourgoin est l’un des deux FrancoPortugais de l’aventure. Sans nouvelles de la fédération pendant deux ans, il a été rappelé au dernier moment pour ce barrage aux allures de traquenard. “Les Uruguayens nous ont tout fait. Notre vestiaire est resté fermé jusqu’à un quart d’heure du coup d’envoi, ils ont joué leur hymne avant celui de l’équipe visiteuse, contrairement au protocole. Et pendant A Portuguesa, le public chantait une chanson paillarde.” La qualification arrachée pour un petit point est fêtée dans une discothèque de Montevideo où un groupe de supporters tombe sur des Lobos pas du genre à tendre l’autre joue. Six joueurs terminent au poste, “et il a fallu réveiller l’ambassadeur en pleine nuit pour éviter un incident diplomatique”, en rigole Da Silva. Et puis arrive ce 15 septembre 2007. À Gerland, on assiste au choc de deux mondes entre des NéoZélandais, dont le séjour français ressemble à une gigantesque tournée promotionnelle pour Adidas, et les derniers amateurs du rugby. Certains comme Miguel Portela refusent d’ailleurs l’indemnisation journalière proposée par la fédération. “Je ne veux pas toucher de l’argent pour jouer à ce jeu”, plaide cet avocat dans le civil. Même avec une équipe remaniée, les Blacks “respectent” leurs adversaires (108-13). Le pilier Rui Cordeiro, vétérinaire à Coimbra, inscrit l’essai de l’honneur. À l’heure du décrassage, les Portugais prennent leur revanche au foot face aux remplaçants. “On a gagné 2-1, précise l’ailier Gonçalo Foro. En face, il y avait Carter, Mccaw, Mcalister. Le meilleur, c’était Kelleher. Il nous faisait rire, il avait passé ses vacances au Brésil et nous parlait avec les quelques mots de portugais qu’il connaissait, genre: ‘Obrigado amigo.’” Au même moment, les titulaires débarquent dans le vestiaire des vaincus. L’anecdote, forcément belle, forcément rugby, raconte la fraternisation entre grands et petits avec l’aide de quelques caisses de bière. “On avait offert à tous les Blacks un CD de fado et une boîte de produits portugais pour qu’ils découvrent notre culture”, resitue Vasco Uva, qui discute droit avec Conrad Smith, le centre et avocat néo-zélandais. Seulement quelques minutes. “Vous voulez la vérité sur cette troisième mi-temps? demande André Da Silva. Les Blacks sont restés quelques minutes et ont bu de l’isostar. Ils nous ont dit qu’ils devaient récupérer, tu parles! Le lendemain, on les a vus prendre du bon temps un peu partout en France. Certains étaient en Corse, d’autres à Disneyland.” Pourquoi avoir transformé cette troisième mi-temps en fable? “On avait pris plus de 100 points, il ne fallait pas que le rugby portugais perde la face”, avance l’ancien pilier.
Belle vie, golf et succès auprès des filles
Malgré les quatre défaites en quatre matchs, Vasco Uva et ses copains reviennent en vainqueur dans un pays qui s’est pris de passion pour leur sport. Un drôle de hobby dont la popularité ne dépassait pas les limites des beaux quartiers de Lisbonne et quelques enclaves isolées, notamment dans les villes de tradition taurine, où les forcados chargés d’arrêter le taureau sont souvent les rugbymen du coin. Passés de l’ombre à la lumière en un mois, les Lobos sont même invités à entonner A Portuguesa sur une des principales chaînes du pays. Dans les semaines qui suivent, une vague de gamins débarque dans les clubs. “La médiatisation
“Les Blacks sont restés quelques minutes et ont bu de l’isostar. Ils nous ont dit qu’ils devaient récupérer, tu parles! Le lendemain, on les a vus prendre du bon temps un peu partout: certains étaient en Corse, d’autres à Disneyland” André Silva, pilier en 2007 à propos d’une troisième mi-temps avec les Néo-zélandais
de 2007 a surpris tout le monde, observe Nuno Mourao, ouvreur international dans les années 90. Malheureusement, les clubs n’avaient pas les structures ni assez d’entraîneurs pour répondre à cette demande. Le rugby est un sport compliqué, vous ne pouvez pas, comme au foot, mettre un ballon au milieu et dire aux gamins de jouer.” Les héros de 2007 retirés et un trou de génération plus tard, le Portugal subit un méchant déclassement. Et dire qu’au milieu des années 2000, il surpassait la Géorgie, désormais bien installée comme puissance émergente du rugby. Une époque bien révolue. En 2014, les Lelos sont à Lisbonne. Un des avants s’ouvre le crâne lors de l’entraînement de veille du match et file aux urgences. Là-bas, il voit le médecin s’approcher et reconnaît Joao Castro Pereira, qui n’est autre… que le capitaine du Portugal. Surpris, le Géorgien demande ce qu’il fait là: “Je suis de garde ce soir, répond l’intéressé. Je vais m’occuper de toi et recoudre.” Le lendemain, l’équipe du patient écrase celle du médecin 34-9. L’époque n’appartient plus aux romantiques. “Arrêtons de rêver, on ne pourra plus disputer une Coupe du monde avec seulement des vétérinaires, des avocats et des étudiants”, prévient d’ailleurs Luis Cassiano Neves dans un français choisi. Aujourd’hui, la sociologie de ses pratiquants condamne le rugby portugais à un rôle périphérique. “Le profil typique du joueur ici, c’est un garçon de 16 à 22 ans issu d’une bonne famille de Lisbonne. Il a du succès auprès des filles parce que les filles aiment bien les rugbymen. Mais ensuite, il trouve un bon travail et le sport passe au second plan”, détaille un journaliste spécialisé. Bref, le Portugais n’aurait pas assez faim. “Un Géorgien, tu lui donnes la possibilité de gagner 1 500 euros pour évoluer à Tarbes ou Vannes, il vient à pied, assures Neves. J’ai l’exemple d’un centre de 18 ans. Il est costaud, technique, rapide. On n’a jamais vu un tel potentiel ici. Ce garçon a reçu des propositions de deux clubs de Top 14 pour venir dans leur centre de formation. Tous les ans, il dit qu’il veut y aller mais reste à Lisbonne. Il a une belle vie, ici: sa famille est riche, il joue au golf…” José Lima, lui, n’a pas hésité à prendre sa valise. Fils d’un prof de fac et d’une enseignante, l’actuel trois-quarts centre d’oyonnax vient lui aussi d’un milieu plutôt favorisé. “Mais depuis tout petit, je rêvais de faire du rugby mon métier et pour ça, il faut partir en France. Ce n’était pas évident pour mes parents de l’accepter. Après mon bac, je suis allé quelques mois à l’université, mais quand j’ai reçu la proposition de Narbonne pour rejoindre son centre de formation, je n’ai pas hésité.” Mais les José Lima sont rares. Il faut donc au plus vite “élargir la base sociale”, affirme le président de la fédération. “On commence à changer notre image de sport de droite et d’élite à travers les programmes que l’on mène dans les écoles, notamment des quartiers populaires, pour ensuite créer des passerelles avec les clubs. Près de 45 000 enfants se sont initiés au rugby. Si 10% font ce trajet, ça serait déjà énorme. On a 6 000 licenciés, on en veut 15 000 en 2019, à la fin de notre mandat.” Des recrues issues de quartiers populaires et davantage disposées à s’expatrier. “À CDUL (Centro Desportivo Universitario de Lisboa, ndlr), j’ai entraîné deux mecs de banlieue, poursuit Neves. Ils
“Ce qui est plus compliqué, c’est de s’adapter à la réalité d’un rugby amateur. On s’entraîne par exemple à 20h, puisque la majorité des joueurs travaillent en journée. Quand tu es pro, tu n’as pas l’habitude”
José Lima, centre des Lobos et d’oyonnax
n’attendaient que ça, avoir une proposition pour partir en France. Si tu leur proposes un contrat en Fédérale, ils prennent tout de suite leur billet d’avion.” En attendant, l’élite du championnat national continue de concentrer des équipes lisboètes (six sur dix), dont les noms renvoient à une tradition très universitaire: Direito (droit), Tecnico (ingénieurs), CDUL (fac de sport), Agronomia (agronomie)… “Le niveau a beaucoup baissé depuis cinq ans, déplore Lima. Derrière, on tient encore la baraque, mais impossible de rivaliser devant avec des joueurs locaux.”
Des joueurs trouvés sur Internet
Alors, les Lobos regardent vers la France et son vivier de petits-fils d’immigrés. Le plus célèbre de ces “luso-descendants” s’appelle Julien Bardy, le “Chabal clermontois”. Quand il tape de lui-même à la porte de la sélection en 2008, personne ne connaît le flanker, alors espoir de L’ASM. “C’est vrai qu’on aurait pu le rater, admet Rafael Lucas Pereira, attablé dans un restaurant de Lisbonne. Son second nom est De Sousa, c’est celui de sa mère. Sauf qu’il n’apparaissait pas sur les sites qui répertorient les joueurs en France. Président de la section rugby du Sporting et francophile, Rafael s’est donné pour mission de répertorier les Carvalho, Pereira, Silva et autres patronymes qui trahissent des origines lusitaniennes. “En 2004, j’ai découvert un site qui s’appelle Itsrugby, proposant des fiches sur tous les joueurs jusqu’en Fédérale 2. C’était beaucoup plus facile d’y repérer un type d’origine portugaise qu’en épluchant le Midi Olympique.” Ces dernières années, les Loups s’ouvrent davantage à ces Portugais de France: Maxime Vaz (Clermont), Mike Tadjer Barbosa (Agen), Aurélien Béco (Colomiers), Samuel Marques (Toulouse) ou Geoffrey Moïse (Pau). Pas de doute pour Rafael, l’avenir passe par eux et les autres qu’il cherche encore à convaincre. “Avant, on avait cette culture de l’entre-soi, on ne voulait pas trop entendre parler d’eux. Aujourd’hui, on a compris que l’on ne pouvait pas rivaliser au niveau international sans ces mecs.” Surtout si le Portugal veut participer de nouveau à une Coupe du monde, en 2019 ou 2023, l’objectif annoncé par la fédération. “Sans les Franco-portugais, ils n’ont aucune chance, prévient André Da Silva qui garde encore une certaine rancune vis-à-vis de la fédération. Après 2007, je n’ai jamais été rappelé. Ils avaient juste eu besoin de nous pour se qualifier. Un mec comme David Penalva n’a pas eu la reconnaissance qu’il mérite. On aurait dû lui construire une statue à Lisbonne.” Parole de joueur reconverti en… sculpteur. La relation entre le rugby portugais et ses enfants de l’extérieur n’a jamais été évidente. Par orgueil et un certain idéal de l’amateurisme, le premier a longtemps pensé pouvoir se passer des seconds. Aujourd’hui, il a compris que non. “Nous devons nous appuyer sur ces joueurs qui évoluent chez vous”, reconnaît le nouveau sélectionneur Martim Aguiar. Mais ce n’est pas encore gagné. Lors du dernier match en Suisse, en novembre dernier, il n’a pu compter sur aucun “Frances”. Si le règlement international oblige les clubs à libérer leurs internationaux, dans la pratique, c’est bien plus compliqué. Ainsi, Samuel Marques a mis sa carrière internationale de côté jusqu’à nouvel ordre, privant ainsi les Lobos d’un des meilleurs buteurs du Top 14. “L’an dernier, seul Tadjer est venu, constate Luis Cassiano Neves. Ce n’est pas facile pour ces garçons de se libérer, je sais qu’ils ont une carrière pro à mener. Mais la porte est plus que jamais ouverte, je ne vais pas commettre la bêtise de dire que si un joueur de Pro D2 ne peut pas venir tout de suite, je vais tirer un trait sur lui.” José Lima assure lui les intermédiaires et parfois les traducteurs avec ces coéquipiers pas toujours au point avec la langue de Pessoa. “Mais on arrive toujours à se débrouiller. Ce qui est plus compliqué, c’est de s’adapter à une réalité d’un rugby amateur. On s’entraîne par exemple à 20h, puisque la majorité des joueurs travaillent en journée. Tu n’as pas l’habitude quand tu es pro.” Un même maillot, mais deux vies très différentes. Le temps d’une saison à Montpellier en 2008, Vasco Uva a touché au professionnalisme aux côtés des jeunes François Trinh-duc et Fulgence Ouedraogo. “J’ai adoré cette expérience, mais je ne pouvais pas penser rugby 24h sur 24, il fallait que je remplisse mes journées. Quand mes coéquipiers me voyaient dans mes livres de cours, ils me demandaient pourquoi je continuais à étudier. Cela m’a aidé à comprendre ce que ressentent des joueurs pros. Je n’ai pas du tout la même vie mais j’essaye d’aller vers eux. Ils découvrent aussi les réalités de notre rugby, les valeurs que l’on porte.”
Des rayures horizontales comme le Racing
Des valeurs pas toujours compatibles avec la réalité du rugby d’aujourd’hui, dans un pays où ce sport est arrivé –comme partout ailleurs– dans les bagages des Britanniques à la fin du xixe siècle. Reste que le modèle et le grand frère latin vers lequel on regarde a toujours été la France. “Dans les années 80, le XV de France était notre référence, assure Luis Cassiano Neves. On voyait cette équipe comme on voit les Blacks maintenant.” Nuno Mourao évoque avec nostalgie ses modèles, Franck Mesnel, Jean-patrick Lescarboura et, surtout, Didier Camberabero –“En 1991, les deux coups de pied par-dessus contre l’angleterre, sur l’essai du siècle, c’est du pur french flair”. À la fin des années 80, Cascais est devenue la référence locale, en s’inspirant du jeu de mouvement du Stade Toulousain prôné par le duo Skrela-villepreux. Ici, l’ovalie aura toujours un petit accent français, à l’image de Rafael Lucas Pereira, incollable sur le Top 14 et qui cherche à établir le contact avec ces grands clubs. “J’aimerais bien créer un partenariat avec le Racing 92. Personne ne le sait chez vous, mais le Sporting Portugal jouait avec des rayures vertes et blanches verticales au départ. C’était avant qu’un dirigeant du club n’assiste à un match du Racing dans les années 30 et ne rapporte l’idée des rayures horizontales. Comme quoi, le rugby français a même influencé le foot portugais. Nos pays sont liés, c’est notre histoire commune.” La nouvelle direction de la fédération l’a bien compris et projette d’ouvrir à Clermont, où vit une importante communauté lusitanienne, une maison des Lobos pour servir de relais et de promotion au rugby portugais. Pour montrer l’importance de ce lien entre les deux pays, Luis Cassiano Neves prévoit même d’organiser, d’ici 2018, “un match officiel de la sélection des Portugais en France, peut-être contre la Géorgie, la Roumanie ou l’allemagne”. L’occasion sans doute de ressortir son plus beau pull Ralph Lauren. TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR AP
“Le profil typique du joueur ici, c’est un garçon de 16 à 22 ans issu d’une bonne famille de Lisbonne. Il a du succès parce que les filles aiment bien les rugbymen. Mais après, il trouve un bon travail et le sport passe au second plan” Un journaliste spécialiste du rugby portugais