Technikart - Technikart - SuperCannes

# Desplechin­LacheRien

Sicilian Ghost Story ressuscite le romantisme surréalist­e avec des enfants qui s’aiment en défiant l’espace, le temps et la violence mafieuse.

- L.H.

La jeune fille ressemble à une jeune fille italienne des années 90. Le garçon sort d’une toile de Botticelli, avec ses bouclettes courtes et un sourire hors du temps, presque hors du réel. Le spectateur a vite l’intuition que le film tout entier se joue dans ce début fulgurant, faussement idyllique. Quelque chose plane, comme le destin, qui va venir séparer les amoureux. Pour ressentir l’absence, ce manque terrible qui virera à l’obsession, au délire voire à l’avènement du fantastiqu­e, il est nécessaire de croire aux sourires, aux innocences et aux jeux initiaux. C’est ainsi que fonctionna­it Peter Ibbetson de Henry Hathaway (1935), l’un des plus beaux films jamais tournés, qui racontait un amour que rien n’arrête, ni les murs, ni les hommes mauvais, ni les jambes brisées, précisémen­t parce qu’il prend sa source dans les rêves éperdus de l’enfance. Un film dont Avatar fut en quelque sorte le remake à 300 millions de dollars et dont Sicilian Ghost Story serait la version mafieuse et inattendue. Fils d’un repenti, le jeune garçon est enlevé, séquestré dans les sous-sols de maisons paumées en pleine campagne. Il perd son sourire, sa pulsion de vie, tandis que la jeune fille tente de bousculer les montagnes et la petite vie d’une communauté sicilienne terrifiant­e de douleur sourde et de silences de mort, convaincue qu’elle parviendra à le retrouver, peut-être même à le rejoindre, par la force de l’amour et de l’esprit. Comme dans Peter Ibbetson, oui, tout se joue dans le premier quart d’heure. Il faut croire d’emblée que ces deux gamins s’aiment à ce point-là, et que rien ne les arrêtera. Alors tout devient possible, même ce film stupéfiant.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France