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LA MORT À L’IRANIENNE

Moins exporté que ses collègues iraniens, Mohammad Rasoulof bouscule avec Un homme intègre l’imagerie du ciné local.

- YAL SADAT

Devant les cambrousse­s ensorcelée­s d’Un Homme intègre, avec ses nombreuses allers et venues taiseuses en vieux tacot, de petites diodes ont vite fait de s’allumer : Kiarostami ! Panahi ! Farhadi ! On est bien dans un Iran rural et maussade, mais les cinéastes en « i » ont bon dos : la grisaille qui semble inspirer Mohammad Rasoulof est moins celle du cinéma d’auteur de chez lui que celle du film noir campagnard hollywoodi­en. Pas le post-noir des Coen, plutôt le neo-noir de Mr. Majestyk, vieux Richard Fleischer où Bronson, dans la peau d’un producteur de pastèques, défendait son lopin de terre contre la concurrenc­e mafieuse. C’est un peu pareil ici, sauf que le héros, Reza, élève des poissons et que sa femme va l’épauler dans sa stratégie auto-défensive – elle va même parfois prendre les devants, malgré la pression patriarcal­e qui alourdit l’atmosphère. Alléluia, diront certains : le cinéma iranien renouvelle sa dénonciati­on de toutes les gangrènes du pays (corruption, oppression, domination masculine, blabla) en la diluant dans les eaux troubles du polar champêtre. Déjà une bonne nouvelle en soi, mais Rasoulof vise encore au-delà : capter les énergies noires de l’Iran et la colère du prolo ordinaire pour en extraire des visions dantesques et tirer le portrait d’un couple d’acteurs au hiératisme glaçant mais bizarremen­t sexy. En gros : moins de dissertati­ons sociétales, plus de grande forme hallucinée.

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