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Un élève doué

Laurent Cantet revient avec L’Atelier, un thriller dense coulé dans un moule sensuel, mais un peu trop théorique et sage.

- GAëL GOLHEN

À un moment donné, le jeune éphèbe au regard plein de colère se pose devant le groupe et lit. Il passe ses journées devant sa console ou à binge-drinker avec ses potes, mais tout à coup, face à ses camarades d’atelier d’écriture, il déclame sa prose brutale, d’un nihilisme haineux, et met tout le monde KO. Un moment d’explosion qui fissure le portrait génération­nel et marque le tournant du film (jusqu’où va aller ce gamin pour tromper l’ennui et sa rage inutile ?). Jusque-là, on avançait dans la pénombre, entre la sieste cannoise et le questionne­ment critique. Et tout à coup, on retrouve Cantet. Depuis Entre les murs, son cinéma finit toujours par poser une seule question, celle de l’aspiration au collectif, du dépassemen­t de soi dans un projet commun qui passe souvent par l’écriture ou la culture. Précisémen­t : L’Atelier rejoue en mode mineur (et thriller) sa palme d’or. Marina Foïs hérite du rôle de la maîtresse en liberté, porteuse d’une promesse d’affranchis­sement, qui se retrouve prise au piège par le regard d’un élève trop doué, trop sombre, perdu. On a vu ça quinze fois (l’ennui meurtrier, le rapport maître-élève qui dérape) mais il y a des choses fines et jolies là-dedans – comme la descriptio­n en sourdine d’une société abrutie ou la manière dont les mots deviennent des armes. Il y a surtout ce regard d’intellectu­el distant, trop analytique, qui transforme le film en petit précis camusien et en catéchisme politique. On aurait bien aimé que Cantet accompagne un peu plus son héros, flirte lui aussi avec sa folie et sa noirceur repoussant­e… En l’état, L’Atelier reste un peu trop le cul entre les murs.

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