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Danse avec les fous
Dans 12 jours, Depardon filme des personnes placées en hôpital psy par l’autorité judiciaire. Un ride d’émotion stupéfiant.
La dernière fois que Depardon avait donné de ses nouvelles, c’était avec
Les Habitants, un film qui écumait les restauroutes et les sous-préfectures et redonnait vie à la France des oubliés. 12 jours explore un territoire différent. Tout commence sur un plan très long dans un long couloir vide, moment de désolation mélancolique gonflé par un sens fulgurant du cadrage. Et puis on passe brutalement à la litanie des fous et à la radiographie d’une institution. Le cinéaste a déjà consacré deux docs aux HP ( San Clemente et Urgences) et deux autres à la justice ( Délits
flagrants et 10e chambre). Il a regardé ces institutions de biais, à bonne distance, entre captation clinique et réflexion morale. Celui-là fusionne les deux obsessions enregistrant en champ-contrechamp d’un côté la parole d’hommes et de femmes « malades », de l’autre celle des juges qui doivent décider d’une éventuelle remise en liberté. Il y a l’employée de chez Orange, poupée brisée au visage rongé par les larmes, qui tente de s’accrocher comme elle peut au monde ; le type au calme fragile, en rupture existentielle, qui a poignardé un passant sans trop savoir pourquoi ; le junkie hagard, aux yeux f(l) ous, qui vrille dans une logorrhée en spirale, obsédée par sa kalache … le cinéaste fait sortir de sa boîte de Pandore dix figures d’un cauchemar quotidien, une humanité traquée en plan-fixe, focale moyenne et cadre serré. Une humanité dont la puissance d’émotion nous revient à la figure et renvoie à nos propres limites broyées par la violence du travail, des relations amoureuses ou de la vie sociale. Captation clinique, réflexion morale, litanie des fous… Tout ça, oui. Transcendé par un regard d’une douceur et d’une bienveillance sidérantes.