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On n’a pas trouvé de titre, désolé
Vie et visions de l’écrivain indien Saadat Hasan Manto, de l’indépendance de l’Inde à l’exil pakistanais. Nandita Das donne des couleurs d’auteur à la fresque Bollywood. Et réciproquement.
« Quand nous étions esclaves, nous rêvions de liberté. Maintenant que nous sommes libres, à quoi allons-nous rêver ? ». C’est la question de l’Inde 1947, quand les colons anglais lèvent le camp, laissant Hindous et Musulmans à leurs propres jeux de massacre. Elle hante l’écrivain Saadat Hasan Manto, figure de l’intelligentsia progressiste, qui refuse d’abord de partir au Pakistan où ses coreligionnaires trouvent refuge. Le temps de l’innocence tient dans une fulgurante scène d’ouverture : trois hommes emmènent une prostituée mineure à la plage, mais sa fougue et son ingénuité les émeut tellement qu’ils la ramènent sans la toucher ; « pourquoi voudrais-je votre argent ? », lance la gosse après cette belle journée. Cette scène, c’est Manto lui-même qui en est l’auteur, sa vision littéraire, truculente donc encore enchantée, du monde. C’est aussi le prototype du bel effet de mise en scène imaginé par Nadita Das : sur un déclic, sa caméra quitte l’artiste pour suivre une scène de rue, réinterprétée par celui-ci. Avec son exil forcé au Pakistan, vécu comme un double traumatisme – le sien se confond avec celui de la nation – débute sa déchéance intime et sa transformation d’écrivain. Le monde noircit, les visions se distordent, et le film bascule dans la stupeur. Au-delà de ces rebonds virtuoses, Manto a l’élégance de respecter jusqu’au bout son cahier des charges, ancrée dans le faste bollywoodien : celles d’une fresque chorale, historique et sentimentale, qui file à toute allure et laisse des bleus partout. Si Nous nous
sommes tant aimés était indien, il ressemblerait peut-être à ce film-là.