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# RoadTrip

Ne leur parlez pas de 68 ou de Macron. Les anciens enfants terribles de Mai (qui viennent de signer un doc sur la France de 2018, la Traversée) pourraient bien s’énerver.

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Dany, j’ai lu que pour vous, l’apparition de Macron était « une oeuvre d’art ». Vous êtes sérieux ? Dany Cohn-Bendit. Pffff… Ça commence. Je sais pas ce que j’ai dit dans ma vie. C’est possible, c’est impossible, je ne sais pas.

Romain Goupil. T’as dit un truc pareil ?

D.C.-B. Mais j’en sais rien, Romain, j’en sais rien. Et comment je fais mon interview, moi ?

D.C.-B. J’en sais rien. Débrouille toi. R.G. Tu peux partir du fait que moi j’ai jamais dit ça. Au moins, j’en suis sûr.

D.C.-B. Et que moi je m’en souviens pas. Une oeuvre d’art… Sa campagne était un chef-d’oeuvre ça oui. D’ailleurs… Ah mais non, moi je parle du film ! De son apparition dans votre film !!

D.C.-B. Aaaahhhhh !!! L’apparition de Macron dans le film ? OK ! Alors oui, je te le confirme, son apparition est une oeuvre d’art. Un chef-d’oeuvre dans un documentai­re. Mais le film ne se résume pas à ces 6 minutes 35 secondes de Macron. Ça revient quand même beaucoup dans les conversati­ons. D.C.-B. Mais de qui ?

Les critiques...

D.C.-B. Eh ben voilà ! C’est bien ça le problème. Tu l’as vu toi, le documentai­re ? Oui, et je crois que l’apparition de Macron est le seul moment de cinéma...

D.C.-B. T’exagères ! Merde, il se passe un truc quand on dîne avec le Front national, non ? Il se passe un truc avec Ménard, non ? Tu vois ces visages, tu entends ces gens qu’on n’entend jamais. C’est la France profonde que t’as devant toi. T’es au café du commerce. Et il se passe un truc. Je suis désolé, mais moi je trouve que c’est du cinoche.

R.G. Et si tu parles de cinoche, il y a la scène de l’usine au début, où l’ouvrier nous fait écouter le silence. Quand il se retourne et qu’il explique ce qu’était l’usine, les gens qu’il y

avait, le bordel que c’était… Pardon mais moi, j’entends les machines, je vois les mecs qui bossent. D’un seul coup, le bâtiment se remplit, on peut presque voir des fantômes. Je trouve ça très beau. C’était quoi l’objectif, au départ ?

D.C.-B. Faire la photo d’une France que tu vois jamais.

R.G. Quand je pars, je suis vraiment convaincu qu’il y a un truc de pourri. J’ai un peu la boule au ventre.

« Putain, ça va être quoi ce pays ? » C’est comme ça qu’on a embarqué. Moi persuadé que la France était moisie et Dany qui voulait se rendre compte par lui-même. Le diner FN est un bon exemple de la méthode. Ils sortent tous les clichés du Front national et Dany, au lieu de faire la leçon et de tenir un discours progressis­te, il écoute. Il intervient, mais pas pour dispenser les bons et les mauvais points.

D.C.-B. On voulait voir la France qui bosse. Les pêcheurs, les paysans, les types dans les hôpitaux. Pas de repérages, pas de plans (à part Google Maps). Et le résultat, c’est une mosaïque. 15 000 bornes pour regarder, écouter. Tout le monde. Sans distinctio­n. Sauf avec Macron. Qui n’est pas un très bon acteur.

D.C.-B. Oh mais tu nous emmerdes avec ton Macron ! En plus, il a rien joué. Quand on lui a expliqué la scène qu’on voulait faire, dans son bureau à l’Elysée, on s’est engueulé devant

lui. Parce qu’on n’était pas d’accord. Et quand il s’est assis dans le café, pour le film, il a halluciné parce qu’on recommença­it à s’engueuler. Rien n’était écrit. Il est resté une heure dans le café. On a fait notre prise et il est reparti faire ses rencontres avec Merkel et signer le livre d’or de la ville. La Traversée, c’était votre manière de commémorer Mai 68 ?

R.G. Ben ouais… Parler de la France actuelle, je trouve que c’est une belle manière de faire vivre l’héritage de Mai, plutôt que de faire les anciens combattant­s.

D.C.-B. On dirait des perroquets, les mecs. Mai 68, mai 68, mai 68... J’ai fait un livre qui s’appelait Forget 68. J’ai rien à rajouter. Dans notre questionna­ire quotidien on demande toujours Mai 68. Récemment Nicloux nous disait « dépassé ».

D.C.-B. Mais c’est pas dépassé ! Ni périmé ! C’est un autre monde. On a changé le monde. Donc on peut pas comparer, c’est tout. Et puis j’en ai marre qu’on me dise que je suis vieux. Mais j’ai rien dit. D.C.-B. Ben si, tu me parles de

mai 68. Sinon, vous avez vu le Godard ?

D.C.-B. Non, mais on ira le voir. Il est fort, Godard. Il a réussi à amener le critique de Libé à faire un texte sur son film où j’ai rien compris ! J’espère que ta critique de notre film sera lisible au moins !

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