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Les trois jours du putois

LA movie pas tout à fait comme les autres, avec un hipster à la place du privé et des quartiers rarement visités, Under the Silver Lake se livre à sa propre satire et se perd dans sa propre errance. Pas forcément une bonne chose.

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Toujours plus à l’est. L’histoire des films où Los Angeles joue son propre rôle aura suivi la reconfigur­ation de la ville. Commencé à l’Ouest (de

En quatrième vitesse à Boulevard du crépuscule puis jusqu’à Mulholland Drive, itinéraire sympa à faire en bagnole), les films se décalent désormais « à l’est d’Hollywood », comme auraient dit Steinbeck et Kazan. Under the Silver Lake est un LA movie with a twist. Le privé, c’était le gars qui connaissai­t les videurs et les portes de derrière. Le type qui passait partout. Dans le monde d’aujourd’hui, il est remplacé par le hipster – une autre façon d’être passe-partout : ressembler comme deux gouttes d’eau à la foule de beautiful people à laquelle on appartient. « J’aime bien ton T-shirt, » dit la fille habillée avec des ballons, « on devrait baiser, non ? », résumant à peu près l’idée : on est entre-soi, une jeunesse qui a décidé que puisque le monde ne lui appertenai­t pas, elle en inventerai­t un où elle pourrait régner sans partage, sur les toits des hôtels, dans les parcs, dans les fêtes, all access. Les films de LA envisagent la ville comme une sorte de portail dimensionn­el. Ce sont des films de rêves et de dérives, parce que la ville est ainsi, et qu’on peut y perdre la notion du temps et de l’espace, tomber sous son charme (au sens magique du terme). Or, la force de David Robert Mitchell est justement celle-ci : l’errance, le flottement, la sensation d’apesanteur qu’il captait dans la mélancolie teen de The Myth of American Sleepover et l’horreur

post-industriel­le de It Follows. Dans Under the Silver Lake, il est trop appliqué à se moquer de ses congénères, ces gens beaux et bien habillés qui possèdent tous les codes des univers qu’ils ont colonisés. Il ne se laisse pas aller au bad trip parano de son personnage, il veut le montrer du doigt et qu’un putois pisse dessus, histoire que l’on sente bien que quelque chose ne tourne pas rond. Il a raison, bien sûr. Mais la clarté de la satire fait qu’on ne se perd jamais dans (ou sous) le lac argenté. On résiste. Et ce bras de fer, le film ne peut pas en sortir gagnant. LH

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