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« Ma seule différence avec Jack, c’est que je ne tue personne. Même pas les journalist­es »

- RECUEILLI PAR GÉRARD DELORME

Après sept ans de purgatoire, LVT est revenu à Cannes avec The House That

Jack Built, autoportra­it de l’artiste en serial killer qui doute. On le retrouve à la villa Zentropa, physiqueme­nt diminué, il agrippe son verre de jus d’orange à deux mains pour ne pas trop le secouer et s’excusera à plusieurs reprises d’être trop crevé pour assurer vraiment le show. Alors, le chaos règne t-il toujours ?

Comment allez vous ?

Bof, je suis très fatigué. Je ne pense pas avoir la force de tourner un autre long-métrage dans l’immédiat. J’envisage de faire des films courts de dix minutes, ce qu’on appelle des études en musique. Les compositeu­rs faisaient ça à une époque lorsqu’ils prenaient de l’âge et voulaient enseigner à d’autres comment traiter un thème particulie­r. Voilà mon ambition du moment.

Justement votre dernier film ressemble à ce qu’on pourrait appeler de l’art poétique, un procédé utilisé par des artistes arrivés à maturité et qui cherchent désormais à transmettr­e.

Ce n’était pas mon intention. Je suis juste tombé amoureux d’un personnage comme Jack et je l’ai forcément traité comme un alter-ego. S’il a un problème, c’est moi qui l’ai et ainsi de suite

Il prend son activité comme un art en travaillan­t son habileté technique, son inventivit­é… Vous partagez évidemment ce genre de valeurs avec lui ?

Toutes les choses qui l’intéressen­t m’intéressen­t. Nous avons ça en commun. La seule différence, c’est que je ne tue personne. Même pas les journalist­es ! D’ailleurs je tiens à le dire : mes films ne sont pas si violents qu’on le prétend. En tout cas j’ai vu bien pire à Cannes. Je suis toujours surpris que certaines personnes ici les trouvent si difficiles à regarder.

On a eu l’impression que

The House… était conçu délibéréme­nt comme une sorte de mise au clair après votre dérapage cannois de 2011. Estce que vous faites des films sur mesures pour les festivals ?

Non, mais je crois que tout festival, et Cannes en particulie­r, trouve son intérêt à montrer mes films car ils permettent « d’élargir le spectre ». Cannes a été d’une importance capitale pour moi. Il a aidé à lancer ma carrière. Je suis devenu très ami avec Gilles Jacob et Thierry Frémaux. Bien sûr, il y a eu cette petite chose avec la conférence de presse il y a sept ans… J’ai eu le sentiment d’avoir reçu un traitement quelque peu injuste. J’ai été en contact avec Gilles pendant tout ce temps-là, ce qui a permis de ne pas prendre des décisions que tout le monde aurait pu regretter au final.

Jack a besoin d’être reconnu : il envoie des photos aux journaux et affiche les articles à son sujet comme des récompense­s. Quelle importance accordezvo­us aux prix ?

Les festivals sont étranges… Ils sont sensés organiser des compétitio­ns mais les concurrent­s ne pratiquent pas le même sport : l’un fait de la course à pied, un autre du saut en hauteur, un autre de la natation. Comment comparer dans ces conditions ? Ça ne m’intéresse pas beaucoup au fond, surtout si les membres du jury doivent se mettre d’accord à l’unanimité. Je fais justement des films pour ne pas faire l’unanimité !

Jack est athée mais il va en enfer. Et vous, en quoi croyezvous ?

Je ne crois pas en Dieu. Et je ne crois pas en l’enfer. Mais j’apprécie la valeur de l’histoire. Je trouve dommage que les artistes ne représente­nt plus l’enfer comme il était populaire de le faire il y a quelque temps. J’aimerais savoir à quoi l’enfer ressemble aujourd’hui, c’est ce que j’essayé de montrer dans le film d’ailleurs. En fait c’est mon premier film pleinement moral parce que le méchant est puni. Il y a encore deux ans, je ne l’aurais pas fait. Je pensais à Hitchcock en imaginant la fin, lorsque Jack est suspendu au-dessus du vide et escalade ce gouffre. Hitchcock disait qu’il ne fallait jamais mettre le méchant dans cette situation-là parce que le public ne se préoccupe pas du méchant. Sauf qu’ici le méchant est également le personnage principal, donc le public n’a pas le choix, ahaha.

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