SCRATCH MASSIVE

Dans un automne français où les sorties bouchonnent, leur album apaisant fait du bien par où il passe – je suis critique musical, sortez-moi de cet embouteillage.

DAY OUT OF DAYS SOUNDTRACK (BORDEL/ RECORD MAKERS)

La Femme, Julien Doré, Birdy Nam Nam, Lescop, Aquaserge, les momies Higelin et Dani : se sont-ils tous passé le mot pour rentrer de vacances en même temps ? Et encore, ils ne sont pas seuls sur la route des sorties françaises de cet automne. Il faut aussi compter sur les rockeurs qui dépotent (Frustration, Duchess Says), un héros oublié réédité et réhabilité (El'Blaszczyk), ceux dont on a déjà dit le plus grand bien (Paradis, Buvette, Paul Winslow, Arielle Dombasle et Nicolas Ker, Barbagallo, Lafayette), les espoirs (Fantôme, Cléa Vincent, Structure Moderne, Holy Oysters, Homa, Gloria), ceux qui sont à côté de leurs pompes (Mr. Oizo, Pone, Adrien Soleiman), etc. Ces drôles nous prennent-ils pour quelque agent du péage bondé de Saint-Arnoult ? Puisque c'est ainsi, baissons les barrières et ne laissons passer que quatre voitures. En premier, French 79 : son excellent Olympic (Alter-K) montre que l'électro marseillaise est capable d'aller droit au but, entre The Hacker et Vitalic. A sa suite, Acid Arab : rejoints sur ce deuxième album par Pierrot Casanova et Nicolas Borne, Guido Minisky et Hervé Carvalho prouvent avec Musique de France (Crammed Discs) que les sons et les rythmes arabes sont compatibles avec l'avant-garde républicaine. Dans leurs roues, une anomalie. Du blues en Gaule en 2016 ? Pardon ? Moustache et rouflaquettes au vent, le jeune et fringant Louis Gaston relève le gant avec l'étonnant Louis Gaston (CramTone Records), où ce copain des frères Poupaud convainc et balaie tous les doutes – impossible pas français. Comment ne pas perdre la boule au milieu de toutes ces actus ? En débusquant de la mêlée un disque quasiment entièrement instrumental (seuls deux morceaux sont vocalisés) dont les nappes lentes et capiteuses font oublier le brouhaha ambiant. Ce havre de paix, c'est la bande-originale que Scratch Massive a concocté pour Day Out of Days, le nouveau film de Zoe Cassavetes. Sans doute moins pop que leur dernier album en date ( Nuit de rêve en 2011), ces douze titres ne font pas pour autant dans l'illustration sonore minimale et lénifiante à bouffer du foin : avec ses mélodies mélancoliques, sa production léchée et ses boucles envoûtantes, ils nous transportent illico dans un Los Angeles fantomatique. C'est Tangerine Dream et Koudlam frappés soudain d'un grand coup de cafard, la trilogie dépressive de The Cure réenregistrée sans guitares ni Robert Smith ni le maquillage de ce dernier. Le duo français serait-il au bout du rouleau ? Il déborde au contraire de projets : cette BO sort sur bORDEL, le label que Sébastien Chenut et Maud Geffray viennent de monter. Dans la foulée, Chenut dégainera son album à lui, Motor of Love. Et courant 2017, on attend chez Pan European le projet solo de Maud Geffray, de la techno chantée qui s'annonce du tonnerre. Bref, à défaut de planer, tout roule pour eux. Les journées sans voiture, c'est un débat dont on se désintéresse. Mais les nuits avec Scratch Massive, loin des péages, voilà notre programme pour cet automne.