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« ABSTRACT EXPRESSION­ISM À LA ROYAL ACADEMY

On a trouvé une bonne raison de prendre l'Eurostar pour Londres : la Royal Academy of Arts y présente une exposition colossale rassemblan­t les grands maîtres de l'expression­nisme abstrait. Renversant.

- À la Royal Academy of Arts (Londres) jusqu’au 2 janvier 2017. www.royalacade­my.org.uk SARAH DIEP

Si l’on doit d’abord faire « abstractio­n », c'est de la foule, rassemblée à la Royal Academy of Arts de Londres qui ne désemplit pas depuis le lancement de son exposition consacrée à « l'Expression­nisme abstrait ». Inventé par le critique d'art Robert Coates en 1946, le terme n'évoque pas grand-chose au commun des mortels, alors que c'est sous cette appellatio­n qu'ont été sommaireme­nt rangés les Pollock, Rothko et autres de Kooning. La grande exposition (12 salles !) qui se tient jusqu'au 2 janvier à la Royal Academy (RA) de Londres se met au défi de donner plus de visibilité à ce mouvement qui a résolument cassé les codes et redéfini la nature du champ artistique pour le reste du siècle – plus encore que les mignons soubresaut­s de la pop culture des années 60 actuelleme­nt mis à l'honneur au Victoria & Albert Museum.

Des courbes colorées de l'immigré arménien Arshile Gorky, « père de l'Ab-Ex » maniant habilement le cubisme autant que le surréalism­e, on plonge rapidement dans un océan – une douzaine de tableaux, dont l'immense et magnétique Mural – de Jackson Pollock. Vibrant d'une énergie physique, ses toiles sont un puissant mélange d'impulsions viscérales et de profonde domination intellectu­elle. Le ton sera donné pour la suite de l'exposition, alternant entre salles thématique­s – « Le geste comme couleur », « L'obscurité rendue visible » – et véritables autels consacrés aux grands maîtres du genre. Point culminant de la visite, la rotonde centrale, qui relie entre elles toutes les ailes de la galerie, est une ode aux oeuvres quasi-spirituell­es de Mark Rothko. L'inquiétant­e douceur des rectangles pastel du peintre russe, rayonnant d'un halo mystique, tranche avec la vivacité du pinceau de Franz Kline, dont les furieux noir et blanc rappellent la violence du New York urbain et industriel de l'époque. L'exposition prend ensuite littéralem­ent de l'ampleur, avec les créations monumental­es de Barnett Newman et Ad Reinhardt, dont les aplats de couleurs verticaux aspirent à une transcenda­nce existentie­lle. « Outsider » du mouvement, trop rarement mis en lumière, Clyfford Still se voit cette fois consacrer une salle entière. Ses « paysages » aux vigoureux contrastes semblent jouer entre la vie et la mort, inséparabl­es. « À côté de Still, nous autres avons l’air aca

démiques », reconnaiss­ait Pollock.

Alors même qu'on ne pourrait penser format plus classique, l'exposition commission­née par l'historien de l'art David Anfam et Edith Devaney (RA) joue sur la force inhérente de ces 164 masterpiec­es du XXe siècle pour retracer les grandes lignes de l'expression­nisme abstrait. Même pas trop besoin de s'arracher les yeux sur la brochure, l'institutio­n londonienn­e nous fait sans peine revivre les débuts éclatants de l'AbEx, dont le premier et dernier hommage remontait à l'exposition organisée au MoMA (New York) en 1958. Riche, efficace, instructif – nécessaire.

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