COMMENT SURVIVRE À... LA FASHION WEEK
VOUS SAVEZ VAGUEMENT QUE C'EST LA FASHION-WEEK MAIS NE DISPOSEZ PAS DU MOINDRE « ÉLÉMENT DE LANGAGE » POUR EN PARLER ? NOTRE IT-CHRONIQUEUR A CE QU'IL VOUS FAUT !
La mode, c'est comme la météo : on a beau s'en soucier comme d'un tweet sponsorisé, quand se profile la Fashion Week c'est une tout autre histoire. Avis de tempête. Cas de force majeure. Impossible de s'aventurer dehors sans se vêtir en conséquence sous peine d'y laisser sa dignité. Parce que tous les six mois, c'est le même cirque. Venus des quatre coins du monde, les apôtres de Karl Lagerfeld prennent la ville en otage avec la ferme intention de vous persuader que vous n'êtes rien ni personne, si ce n'est une petite crotte en guenilles que l'on contourne avec une moue de dégoût. S'il n'y avait que ça, me direz-vous. L'enfer c'est les autres, tout ça, tout ça, on commence à le savoir. Mais encore faut-il endurer le spectacle de mannequins florissant à tous les coins de rue, VRP de l'inaccessible qui, sous couvert de vous demander l'adresse de l'Hôtel Costes en langage dothraki, s'empresseront de vous faire les poches pour repartir avec votre libido sous le bras. Et là, bonjour misère. Bonjour complexes. Bienvenue dans un monde où même l'entrée du Franprix vous est refusée sous prétexte que s'y déroule le dernier défilé Dior :
- Désolé, vous n’êtes pas sur la liste. - Mais je viens faire mes courses ! - Ça n’est pas une raison pour s’habiller comme un sac !
Pour se prémunir de ce sentiment d'exclusion, il convient donc de savoir faire illusion. Pourquoi ? Parce que la mode reste un jeu qui se gagne à coups de bluff. Peu importe l'étoffe, du moment qu'on a l'allure. Là, j'en entends ricaner. Oui. Bien sûr. La mode, on pourrait croire que je suis mal placé pour en parler : il ne suffit pas de marcher sur les traces d'Oblomov et The Big Lebowski, en peignoir du matin au soir, pour devenir une figure de style. Je sais. Mais ça n'empêche pas d'avoir un avis sur la question. Au contraire. L'avantage de ne point suivre la mode, c'est qu'on ne risque pas de se faire distancer. Voyez Loïc Prigent, voyez Steve Jobs, ou encore Bill Cunningham : les plus grands décrypteurs de tendances sont souvent ceux qui s'en sont soustraits (cette phrase vous était présentée par l'amicale de l'allitération suintante). Enfin, si jamais toutes ces références ne vous suffisaient pas, sachez que j'ai été l'un des premiers en France, si ce n'est le seul, à oser le sac banane autour du cou (c'était il y a six mois, et pour une raison que je ne m'explique pas, ça n'a jamais pris). Alors, bon. Autant vous dire que vous êtes entre de bonnes mains.
— 1 Marquer son territoire. Gardez à l'esprit ces mots de Coco Chanel pour qui la mode était dans le ciel, était dans la rue. Arpentez les trottoirs comme s'il s'agissait d'un tremblement de terre dont vous êtes le héros. Le port de baskets lumineuses est fortement conseillé. #Billiejean #Ratdesvilles #Macadampodium
— 2 Ne jamais sourire. C'est la base. Mais pourquoi ne pas pousser la logique du visage fermé en y ajoutant un petit truc en plus ? Un oeil au beurre noir ou un nez en sang, par exemple, ça peut être intéressant. « Everybody respects a bloody nose » selon le comédien J.B. Smoove.
— 3 Avoir l’air malade. « Les modes ne sont après tout que les épidé
mies provoquées » disait George Bernard Shaw. Toussez donc. Reniflez. Vomissez si ça vous chante. Si vos talents de comédien ou votre système immunitaire ne vous le permettent pas, déguisez-vous en virus. Celui de Norwalk est très photogénique.
— 4 Voyager dans le temps. Puisque c'est dans les costumes de jadis que se taillent les tendances de demain, osez l'anachronisme. Habillez-vous en pirate, en Wisigoth, en centurion, n'importe. Avec un peu de chance (et d'aplomb), on vous attribuera le retour de la cotte de maille. Et face aux éventuelles critiques, citez Elsa Schiaparelli : « En période difficile, la mode est toujours extravagante. »
— 5 Bien s’équiper. Comme l'a dit un jour l'humoriste Joan Rivers, « le style c’est comme l’herpès : on l’a ou on l’a pas ». Si vous sentez que votre charisme affiche un certain manque à gagner, ayez le réflexe accessoire comme l'écrivain Gérard de Nerval. On n'imagine pas combien tenir un homard en laisse peut vous dynamiser une silhouette.
Dernier livre paru_ Un Jeune homme superflu (Au Diable Vauvert, 380 pages, 17€)