BABY DRIVER
Voilà l’heure du grand ride rock-cinétique
qui ne tiendrait debout que par sa vista, son enchaînement ininterrompu de morceaux de bravoure et sa manière de faire monter en sauce sa collection de vignettes FM. Voilà donc Baby Driver. L’ami Edgar Wright, la quantaine désormais passée, décide de faire décoller le second étage de sa fusée avec le ciné-cosmos droit en ligne de mire. Le charme fou de ses précédents films reposait essentiellement sur des personnages joliment crayonnés (des autistes mimis incapables d’accomplir ce que le monde attendait d’eux) et une façon stupéfiante de capter l’air du temps (virtuosité clippesque, références tordantes, fibre socio impec’). C’est l’heure du virage négocié au frein à main : Baby Driver vient réfuter en bloc ces deux pôleslà, comme si désormais ce genre de talent miniature ne pouvait plus lui suffire, comme si le surmoi arty, trop longtemps camouflé derrière le vernis accrocheur de ses films, devait aujourd’hui nous sauter à la tronche. C’est donc un objet abstrait, papalement sérieux et peuplé d’archétypes décharnés (le rider mutique, la princesse blondinette, le méchant increvable) qui sont autant d’outils mis à disposition d’un grand élan démiurgique. Un actioner-musical, c’est l’idée. Une prouesse conceptuelle qui n’autorise ni l’approximation ni les notes dissonantes, c’est l’ambition – jamais tenue. Un truc qui met surtout en exergue l’incapacité saisissante de Wright à transformer ses anciens gimmicks speedés en véritables idées de cinéma, à relier entre elles ses visions pour les transformer en partition. Les casses se multiplient, Baby fait crisser fort les pneus de sa bagnole et si possible en synchro avec les tubes qui défilent sur son iPod ; la petite mélodie du film, elle, reste totalement introuvable. Ne reste que le souvenir d’une vague rythmique assommante.