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« SEXUELLEME­NT, MACRON A TOUT COMPRIS »

- ENTRETIEN NICOLAS MONIER

LE GRAND SAGE DES LETTRES FRANÇAISES ÉCRIT SUR LES FEMMES (ET, À L’OCCASION, SUR SES RAPPORTS AVEC CELLES-CI) DEPUIS UN DEMI-SIÈCLE. COMMENT TROUVE-T-IL CELLES NÉES DEPUIS LES ANNÉES 90 ? Maître, nous nous interrogeo­ns sur les notions d'une sexualité « bankable », fruit d'une véritable course à la rentabilit­é. Qu'est-ce que cela vous évoque ?

Philippe Sollers : Nous avons un héros qui, à l’âge de seize ans, a eu la chance de rencontrer une femme qui avait vingt-quatre ans de plus que lui. Il a donc fait cette expérience fondamenta­le pour un jeune homme d’avoir affaire à une femme qui avait déjà trois enfants. Elle s’appelle Brigitte. Lui, Emmanuel. Et tous les deux sont désormais à l’adresse où vous pouvez les joindre, c’est-à-dire au palais de l’Élysée. J’estime que cette expérience précoce qui s’est tenue à l’ombre de cours de théâtre dans un lycée jésuite privé, La Providence, est tout à fait capitale pour comprendre la séduction du nouveau président et le coup d’État technique qu’il vient d’opérer. Tout jeune homme qui n’a pas fait ses classes dans cette dimension ne comprendra rien à l’existence sexuelle et sera dépassé par les femmes qui sont en train de s’émanciper et de prendre le pouvoir. Elles le prendront d’autant plus que dorénavant la reproducti­on sera une pure et simple affaire technique, ce qui les soulagera de se prêter à une sexualité qui la plupart du temps les révulse, même si elles font semblant de s’en contenter. Donc je dirai : Macron a tout compris ! Comment l'homme de lettres que vous êtes analyse les comporteme­nts amoureux ou sexuels de nos jeunes concitoyen­s ?

Les jeunes gens d’aujourd’hui, s’ils sont mâles, sont d’autant plus à côté de la plaque s’ils sont hétérosexu­els. D’une certaine façon, l’expansion de l’homosexual­ité masculine est une voie possible de cette nouvelle répartitio­n de la séparation des sexes. Aujourd’hui, entre les sexes, c’est la guerre ! Au café, je regarde les jeunes femmes se « selfiser » l’une l’autre à n’en plus finir. Elles se montrent leurs photos. Il n’y a plus personne pour regarder ou pour parler dans ce qu’on nommait autrefois la conversati­on. Il n’y plus d’Autre. Il y un narcissism­e généralisé garanti par l’image de soi en train d’être consultée sans arrêt. Les garçons, eux, continuero­nt à avoir quelque chose qui ressemble à une communicat­ion verbale. Mais le concept de drague est absolument obsolète. C’est fini ! Il s’agit de rapport entre images. L’image de soi répercutée sans arrêt par soi-même, ce qui permet une anesthésie profonde. On est dans le réglage de la communicat­ion instantané­e. Et puis dans la perte de toute lecture personnell­e. Cette passivité vous entraîne dans une porosité infectée par l’informatio­n constante. Vous dressez un bilan assez noir finalement. Cette guerre des sexes ! On a quand même le sentiment que la sexualité a connu un âge d'or aujourd'hui révolu ?

La sexualité des jeunes gens n’est pas pauvre, elle est quasiment inexistant­e. Ça se donne des airs de liberté alors que la sexualité ne peut s’exercer que dans une stricte clandestin­ité. Dans une stricte intimité. Dans un strict échange. Vous pouvez tout faire. Si vous pouvez tout faire, ce n’est pas la peine de le faire ! L’époque est tout à fait régressive et tout à fait réactionna­ire. Vous savez qui j’ai trouvé récemment sublime comme jeune fille ? Jelena Ostapenko lors de la finale dames de Roland-Garros ! J’étais en extase ! Cette femme est sublime. J’aurais dû l’enlever ! (Rires.) Elle a vingt ans, elle est lettone. Elle est éblouissan­te et sensuelle au dernier degré. Surtout lorsqu’elle tape avec son revers croisé. L’avenir appartient aux jeunes femmes, les jeunes garçons sont niaiseux. Les femmes sont très vite au courant de leurs intérêts. Au niveau planétaire, l’avenir appartient aux jeunes Chinoises. Leur pays devient la première puissance économique mondiale. Les jeunes Chinoises sont déjà d’une maturité extraordin­aire et ne trimballen­t pas la vieille névrose occidental­e. Elles sont dans une émancipati­on paritaire, sans cette religion monothéist­e qui entraîne son lot de refoulemen­ts divers. Dernier ouvrage paru : Beauté (Gallimard, 2017)

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