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Six ans après sa séparation en grande pompe, LCD Soundsyste­m revient avec un nouvel album, American Dream. Bain de jouvence ou douche écossaise ? Réponse entre les gouttes.

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VIEUX POTS

La scène rock new-yorkaise du début des années 2000 a enfin sa Bible, avec un titre d’une longueur à rendre fous les bègues : Meet Me in the Bathroom: Rebirth and Rock and Roll in New York City 2001-2011. Derrière cette appellatio­n piquée aux Strokes (« Meet Me in the Bathroom » est une chanson de Room on Fire), ce n’est pas une thèse à la mords-moi-le-noeud écrite depuis le campus de Columbia. L’auteur, une certaine Lizzy Goodman, est une copine du guitariste Nick Valensi. Grâce à lui, elle a eu accès aux coulisses et a passé six ans à collecter des anecdotes aux différents acteurs du renouveau rock de la Grosse Pomme. Les dates choisies en sous-titre sont claires comme de l’eau de rock : 2001, c’est l’année où les Strokes allumaient la première mèche ; 2011, celle du concert de séparation de LCD Soundsyste­m à Madison Square Garden. De 2001 à 2011, une décennie avait filé où quelques irréductib­les avaient voulu rendre un peu d’âme à une ville qui passait de la paranoïa post11 septembre à la gentrifica­tion galopante. Six ans plus tard, restent deux grands hommes, le seul génie du lot et un honnête artisan : Julian Casablanca­s et James Murphy. Alors qu’on attend le retour de Casablanca­s cet automne, Murphy est le premier à nous inviter à le retrouver dans la salle de bains. Le doute nous étreint : est-ce que ça vaut le coup d’enlever son peignoir ? Pour Murphy, ça n’était pas gagné d’avance. Aussi poilu que la Bête du Gévaudan, dodu de surcroît, il n’est pas de ceux dont on fait les sex-symbols. N’ayant sorti son premier album qu’à 35 ans, il ne se levait pas de bonne heure dans une industrie avide ou de vieilles gloires ou de chair fraîche. Avec un single intitulé « Daft Punk Is Playing at My House », il se posait en second couteau, pas le meilleur calcul dans un monde aussi compétitif. Bref, c’était mal barré pour le nounours. Et pourtant : doué, droit, érudit et opiniâtre, il a réussi à s’imposer sur la durée, alliant les guitares et les clubs, sortant des disques marquants ( 45:33 et surtout Sound of Silver), arrêtant un groupe en pleine gloire, remixant son héros David Bowie, restant une référence quinze ans après ses débuts. Aujourd’hui âgé de 47 ans, le producteur velu est un vieux monsieur. La preuve, il a ouvert il y a peu un bar à vin à Williamsbu­rg. Toujours plus replet, occupé à goûter des bonnes quilles avec des bobos, le Murphy n’a pas l’allure de celui qui vient relever les compteurs. Alors ? Cette reformatio­n de LCD Soundsyste­m ne surprendra personne : au niveau des influences, on y retrouve toutes les marottes de Murphy (Bowie, Can, PIL, Talking Heads, Gang of Four). Reste à choisir son proverbe : c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures ; la culture, c’est comme la confiote, moins on en a, plus on l’étale. Dans ce débat digne de stagiaires Bonne Maman, on optera pour une troisième voie, moins marmelade. American Dream ? Bon album nostalgiqu­e en attendant que Casablanca­s ne fasse repartir New York de l’avant.

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