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LA STORY

BOYD RICE À PARIS

- PAR JEAN-EMMANUEL DELUXE

Paris, 1980 : un temps que les moins de 50 ans ne peuvent connaître qu’à travers les témoignage­s de survivants ou les récits des nombreux thuriférai­res encore en activité, chacun étant plus ou moins fiable. Mais nous sommes en mesure d’affirmer qu’en ce premier été de la décennie, certains des jeunots de Paris ont bien raison de se croire à l’épicentre de l’univers. Il y a ceux répertorié­s dans le magazine Actuel en début d’année sous le titre « Les jeunes gens modernes aiment leur maman », toute cette clique cold-wave, ces jeunes dessinateu­rs, écrivains, dandys sans statut fixe, noceurs, cinéastes, vidéastes, les plus ou moins artistes, les critiques, les journalist­es… Toute cette faune branchée déjà décrite par Yves Adrien dans son mythique « Je chante le rock électrique », paru dans Rock & Folk en 1973 : « Les Enfants électrique­s ont chaussé des bottes et escarpins à hauts talons dorés, gagnant ainsi en taille ce qu’ils avaient perdu en illusions. » Sept ans plus tard, la musique a radicaleme­nt changé – le glam a été remplacé par toutes sortes de pulsations bruitistes et électroniq­ues –, pas le pronostic.

En cet été 1980, le punk est déjà un fantôme, et les disques les plus excitants sont davantage des manifestes bruitistes que de simples collection­s de chansons… Cette nouvelle ère after-punk a déjà sa Bible : le

NovöVision de cet Yves Adrien, écrit en partie chez Genesis P. Orridge (leader du groupe indus Throbbing Gristle) à Londres et publié par le trublion Philippe Manoeuvre dans sa collection Speed 17… L’afterpunk a aussi ses Tables de la Loi : les disques sortis sur les labels Sordide Sentimenta­l en France ou Mute en Angleterre depuis deux ans… Et ses prophètes : l’écrivain

William S. Burroughs, toujours dans le coup à 65 ans, ainsi que les pionniers de cette musique dite industriel­le : Throbbing Gristle,

Boyd Rice et son groupe NON…

Boyd Rice sort lui-même son premier album en 1977, alors qu’il n’a que 21 ans (cet album sans titre sera réédité par Mute en 1981). Ses neufs pistes sont marquantes par leur radicalité et leur démembreme­nt des symboles de la culture pop, Rice utilisant des disques rayés de pop bubblegum ou des magnétos afin de créer des boucles sonores capables de donner une migraine à un sourd. Outre son aspect potache, la musique de Boyd Rice fut la première à recycler les « poubelles » de la musique mainstream afin d’en renvoyer une image apocalypti­que… Une fois son album édité, il est remarqué par une poignée de mélomanes animés du même (mauvais) esprit : la bande Throbbing Gristle à

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