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ADRIEN DURAND

- ADRIEN DURAND LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCA­ULD

« Le milieu culturel français m’apparaît le plus souvent comme contre-révolution­naire.

Proposer des choses différente­s, ne pas prendre les gens pour des cons, ne pas leur servir du prémâché. J’aime les pionniers, ce qui va de l’avant – de Boulez aux Talking Heads. Je suis fasciné par le voyage comme exil, exode, de Theodor Herzl à Star Trek, le voyage et la découverte au sens philosophi­que, tout ça m’inspire plus que la dernière fille avec qui j’ai passé une soirée. » Attablé dans un café de la rue des Martyrs, à deux pas du studio où il mixe le premier album de son groupe Bon Voyage Organisati­on (BVO), Adrien Durand théorise autant que d’habitude. Pas facile de l’arrêter quand il est lancé. Ce n’est pas un ravi de la crèche, oh non. Il aurait pourtant toutes les raisons d’être guilleret : après une décennie de travail dans l’ombre, cet aventurier des consoles s’apprête à en récolter les fruits à 30 ans pile. Avec BVO et, avant cela, avec Amadou & Mariam, dont il a produit l’excellent La Confusion qui sort à la fin du mois.

L’AVANT-GARDE MALIENNE

Sur l’Afrique, on se doute que l’intarissab­le Durand a son mot à dire : « Les gens se restreigne­nt trop au Nigeria, à l’afrobeat. J’aime Fela Kuti, mais je m’intéresse aussi au Bénin ou au Congo, avec Franco et TP OK Jazz. Surtout, je suis impression­né par les artistes maliens, qui ont toujours été à l’avant-garde de l’évolution de la musique africaine. Le blues avec Ry Cooder et Ali Farka Touré. Salif Keïta qui a inventé le style world africain avec Soro en 1987. Je suis fasciné par le producteur de ce disque, Ibrahima Sylla, un Ivoirien installé à Paris qui, au travers de son label Syllart, faisait venir des musiciens de toute l’Afrique de l’Ouest dans son studio de la banlieue parisienne. Tu as le groupe Tinariwen, qui continue d’innover. Et puis tu as Amadou & Mariam. Ce sont des voix importante­s chez eux, ils sont très écoutés. Au-delà du bambara, ils chantent dans de nombreuses langues pour s’adresser à toutes les ethnies du Mali, se battent pour un pays uni. Les sessions regroupées et ressorties par Because sous le nom Les Années maliennes sont incroyable­s. Leur album avec Manu Chao, Dimanche à Bamako, aussi. Ils avaient l’impression que, ces derniers temps, leur musique s’était un peu diluée dans les featurings. Mon rôle auprès d’eux, c’était de recentrer la musique autour de leur répertoire et de leur interpréta­tion, d’éviter la redite. J’ai écrit tous les arrangemen­ts de façon à faire ressortir leurs idées d’une manière qui leur plaise. Et je voulais me concentrer sur le jeu d’Amadou, qui est un maître de la guitare. » Quand on cherche des filiations à Durand, toubab inclassabl­e, un nom s’impose, celui de

« MON PROCHAIN ALBUM ? PLUS D’HUMOUR, PLUS DE SECTION RYTHMIQUE, ET DES THÉMATIQUE­S OBSCURES COMME LE CULTE DU SOLEIL… »

Wally Badarou, le claviérist­e béninois qui, à la fin des années 70 et au début des années 80, illuminait les production­s du studio Compass Point : « J’adore Badarou, et je l’ai rencontré. Son rêve, c’était d’être pilote. J’ai aussi une immense passion pour l’aviation. Ça vient de là, le goût des synthétise­urs et des machines : du cockpit. La musique et l’aviation sont très liées. Il y a le côté poétique du vol, Saint-Exupéry, mais il y a aussi la mécanique, la machinerie, être aux commandes… Badarou, son album de 1983, Echoes, est fou, le disque d’ambient africain ! Il est très occidental dans son approche de la musique, beaucoup plus moderne qu’un Francis Bebey. » L’album d’Amadou & Mariam devrait apporter à Durand d’autres projets à piloter – ne partageant pas la mégalomani­e des artistes, il préférerai­t s’établir comme producteur pour d’autres. En attendant de voir son nom dans les notes de pochette de plein de chefsd’oeuvre, le premier long-courrier de BVO atterrira début 2018. À quoi ça ressembler­a ? « Plus d’humour, plus de section rythmique, plus de chant, et des thématique­s obscures comme le culte du soleil et des astres… Enfin pas trop de chansons à texte, on essaie toujours de faire notre funk de Parisiens. »

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L’HOMME DE L’OMBRE — Qui se cache derrière les prochains succès d’Amadou & Mariam ? Adrien, un ancien du webzine Gonzaï. Comme quoi...
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