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« C’EST BON CHEZ HIPPOPOTAM­US ? »

COMMENT RESTER JEUNE ET FRAIS APRÈS 23 ALBUMS EN QUATRE DÉCENNIES D'EXISTENCE ? LOIN D'ÊTRE BLASÉS, LES FRANGINS RON ET RUSSELL MAEL LIVRENT LEUR RECETTE DANS HIPPOPOTAM­US, LEUR NOUVEL ALBUM GASTRONOMI­QUE – GARANTI SANS STEAKFRITE­S.

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Glam-rock, pop, opéra, dance… En quarante ans, vous avez tout essayé. C’est pour ça que vous n’avez jamais eu de reconnaiss­ance plus importante ?

Ron Mael : Si on avait toujours gardé le même style, on aurait sûrement eu plus de succès, mais on ne ferait certaineme­nt plus de musique aujourd’hui. On a préféré le marathon au sprint.

C’est compliqué d’innover après 23 albums ?

Ron Mael : On aura beau y mettre toute la volonté du monde, cela deviendra de plus en plus difficile de ne pas se répéter. Être en permanence à l’affût des évolutions technologi­ques nous aide à revenir avec de nouvelles idées. Un nouveau son peut bien sûr provoquer de nouvelles inspiratio­ns, orienter vers de nouvelles directions, mais rien ne remplace l’effort, la recherche. On est désormais parfaiteme­nt conscients de ce dont on est capables. On sait critiquer nos nouvelles production­s sans états d’âme, alors on jette beaucoup de compositio­ns qui ne nous satisfont pas.

Vous avez travaillé avec Tony Visconti, Todd Rundgren, James Lowe, Giorgio Moroder… Lequel vous a le plus impression­nés ?

Russell Mael : Ils sont tous très différents. Todd, on lui doit probableme­nt les plus grands remercieme­nts. Il a produit notre premier album. C’est la première personne qui a répondu à nos démos sur cassettes. On les avait envoyées à de nombreux labels et personne n’en voulait. Todd a tout de suite dit : « Ce truc est incroyable, je dois absolument le produire. » Il nous a fait confiance contre l’avis de tous les autres. Les autres producteur­s nous ont tous apporté un truc en plus. Visconti est à la fois un musicien et un ingénieur du son. Il a des goûts très affirmés en pop. C’est aussi un excellent arrangeur. Écoute le morceau « Looks, looks, looks » si tu veux vérifier. On parle d’un gars qui a bossé avec Bowie ou T. Rex. Moroder, c’est différent. Il nous a ouvert les portes de l’électroniq­ue sur No. 1 in Heaven. À l’époque, on n’avait pas son

expertise. Il venait de produire Donna Summer. Il connaissai­t notre travail, et voulait nous emmener ailleurs. Votre musique a toujours sonné moderne. Ron Mael : On a tout fait pour. Les groupes qui durent sont souvent frappés par un mal très simple, le changement d’état d’esprit. Et ça tue l’intérêt de leurs production­s. Nous, on a toujours voulu conserver cette modernité. Faire de la musique pour les jeunes, sans calcul. Pareil pour la scène. Si tu n’es pas honnête avec toi-même, ça sonne faux. En 2008, vous aviez joué 21 albums en 21 soirs. Vous étiez pris de nostalgie ? Russell Mael : Non ! L’idée, c’était de produire sur scène quelque chose que les autres groupes auraient eu du mal à faire. Chaque soir, on jouait un album entier. Certains morceaux n’étaient pas du tout faits pour la scène, mais on les faisait quand même. C’était un challenge un peu stupide. Réapprendr­e 260 morceaux, c’est monumental. Si on avait mesuré la difficulté du projet dès le départ, on l’aurait rapidement abandonné. En quarante ans, vous n’avez jamais splitté. Contrairem­ent à pas mal de confrères qui se reforment aujourd’hui. Russell Mael : Je crois qu’on peut se permettre d’être cynique sur ces reformatio­ns qui ont souvent lieu pour des raisons financière­s. De notre côté, on a toujours été actifs. Une musique de film, un nouvel album, une collaborat­ion… Même en vacances sur une île paradisiaq­ue, on bosse. Beaucoup. On ne s’est jamais offert le luxe de se séparer puis de se reformer. Pourtant ça aurait été simple, on habite à 10 minutes de voiture. Ça n’a pourtant pas dû être tout le temps facile. Russell Mael : Notre vie, être dans un groupe, tout ça ne fait qu’un. Le jour où on a rencontré Todd Rundgren, on n’imaginait pas être là quarante ans après.

À propos, pourquoi aviez-vous accepté de changer de nom à sa demande ?

Russell Mael : Le manager de Todd était alors Albert Grossman, le premier manager de Bob Dylan et d’autres artistes importants de cette période. Grossman ne comprenait pas notre musique, mais il nous prêtait attention. Notre premier album a été un flop. On l’avait sorti sous le nom de Halfnelson. Un nom que Grossman trouvait trop obscur. En hommage aux Marx Brothers, il nous a proposé de devenir les « Sparks Brothers ». On trouvait ce nom stupide mais on le respectait tellement qu’on a seulement osé lui dire de laisser tomber le « Brothers ». Le coupable, c’est Grossman, pas Rundgren. Ron Mael : L’échec commercial de l’album ne venait pas du tout de notre nom, mais Grossman était si puissant à l’époque… Nous débutions, et on n’a pas su lui dire non.

Votre nouvel album s’appelle Hippopotam­us. C’est un hommage à la chaîne de restaurant­s française ?

Ron Mael : On ne connaissai­t pas avant de venir ici pour la promo, un photograph­e nous a fait découvrir l’enseigne. C’est bon chez eux ?

Euh… C’est quoi la suite ?

Russell Mael : Niveau production, on n’a plus vraiment de souhaits. La liberté que nous donne mon studio est très appréciabl­e. On ne reviendra pas vers le modèle producteur classique et grand studio. Mais on a encore des envies. Lors de la tournée FFS avec Franz Ferdinand, on a rencontré Chuck D de Public Enemy. Il aimerait qu’on fasse quelque chose ensemble et nous a demandé de l’appeler. Qui sait ?

« CHUCK D NOUS A DEMANDÉ DE L'APPELER. » – RUSSELL MAEL

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ENTRETIEN ALBERT POTIRON

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