« LES BRAS CASSÉS SONT NOS AMIS ! »
DANS SON ESSAI COMMENT TRIOMPHER AU BUREAU, CE CONSULTANT EN MANAGEMENT DISTILLE SES CONSEILS POUR ARRIVER À SES FINS DANS LE MONDE IMPITOYABLE DE L’ENTREPRISE. GUIDE PRATIQUE.
À vous lire, l'art du fayotage est celui qui nous sauvera tous. Vous le pensez vraiment ? Benjamin Fabre :
L’entreprise est tellement conflictuelle, un lieu à la Game of Thrones si vous voulez, avec ses complots, sa violence feutrée. Dans cet univers impitoyable, le fayot a un mérite : il remet de la rondeur dans tout ça. Il distille une bonne ambiance, il désamorce les conflits et il arrange le quotidien car il est affable et sympa. Les journées difficiles, avec lui, sont plus légères. Il est motivant car il renvoie à son chef une bonne image de lui-même. On s’aperçoit dans les entreprises et surtout dans les grands groupes qu’il y a beaucoup de comédies qui se jouent : il y a des politiques internes, c’est-à-dire des jeux d’alliances avec de vraies intrigues ! Vous pouvez avoir des projets qui sont excellents sur le fond, qui ne peuvent faire que du bien à l’entreprise, mais qui ne vont pas être retenus parce qu’ils sont portés par quelqu’un qui déplaît… C’est surréaliste ! Comment faut-il s'y comporter, du coup ?
Ne jamais oublier que l’entreprise, c’est une scène de théâtre : on y joue un rôle, on fait semblant quand on se parle, on fait semblant également d’être d’accord, alors qu’on ne l’est pas forcément et que même, au final, on s’en fout un peu ! Et la compétence dans tout ça ? On a le sentiment, en lisant votre ouvrage, qu'elle est devenue parfaitement accessoire…
Il ne faut pas exagérer non plus : il n’y a pas tant de bras cassés que ça ! Et on peut être motivé pour un dossier, et complètement démotivé pour un autre. Et bien évidemment que la compétence compte ! Mais à un moment X, à un endroit Y, certains collaborateurs d’une entreprise sont complètement dépassés. Ils sont à la rue, malgré eux. À côté de la plaque. En fin de réunion, ils vont poser une question qui montre qu’ils n’ont rien compris à l’objet de cette même réunion. Parce qu'ils ne savent pas quelles sont, précisément, leurs zones de compétence ou de responsabilité.
Absolument. On n’est pas aidé par l’arrivée de tous ces métiers improbables. Je suis sûr que certains cadres n’arrivent même pas à expliquer à leurs femmes ce qu’ils font toute la sainte journée ! C’est tellement intangible. Un mec en charge de « l’articularité de la transversalité du machin »... Lui-même ne comprend qu’à moitié ce qu’il fait. Mais plutôt que de l’accaparer, essayez plutôt de travailler en bonne intelligence avec lui : dans l’entreprise, les bras cassés peuvent être nos amis ! Et la conséquence de tout ça ?
Tout va désormais se jouer sur le comportement, sur l’aplomb, les fameuses « soft skills », ces compétences molles. Un boulet peut donc s’en sortir super bien s’il est af- fable, bien connecté, s’il est un bon entremetteur… En gros, s’il use de compétences comportementales qui vont lui permettre de compenser le fait qu’il ne sait pas faire grand-chose d’autre. Mais donc le boulet n'apporte que du positif à l'entreprise ?
Des gens nuisibles, des tire-au-flanc, des branleurs, il en existe aussi. Bien évidemment. Certains, pas très loin de l’âge de la retraite, dénigrent tout. Ils mettent une mauvaise ambiance. Un projet nouveau et excitant est en train de se mettre en place – pour eux, ça ne marchera pas, c’est inutile, vain. Je ne vous parle pas là des gens dans leur placard, qui se font tout petits, très discrets, qui attendent que ça passe, qui aiment bien profiter à fond des avantages du CE et des abonnements hors de prix aux clubs de gym, mais de ceux qui sabotent la bonne marche de l’entreprise. C’est un cauchemar car ces boulets peuvent entraîner toute l’équipe dans la chute. J’ai croisé aussi quelques pervers narcissiques qu’il m’est arrivé d’avoir comme chefs. Ce sont des personnalités très infantiles. Puisque le monde de l’entreprise est violent, autant avoir les armes pour se défendre et manipuler à son tour.
Dans l’entreprise, on n’est pas soi-même et on n’exalte pas forcément la meilleure partie de soi. Sauf, peut-être, le boulet ! Comment triompher au bureau (Robert Laffont, 2017)
« UNE ENTREPRISE, C'EST UNE SCÈNE DE THÉÂTRE. »