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L'AUTEURE DU MOIS MARGARET, L'ÉCARLATE

La série d’anticipati­on La Servante écarlate vous a bluffé ? Voici l’oeuvre géniale, signée Margaret Atwood, qui en est à l’origine.

- LÉONARD DESBRIÈRES

MARGARET ATWOOD C'EST LE COEUR QUI LÂCHE EN DERNIER (Robert Laffont, 450 p., 22 ¤)

Il est aujourd’hui peu d’écrivains qui peuvent se vanter d’être des mythes de leur vivant ; Margaret Atwood est de ceuxlà. Souvent citée pour le Nobel, couronnée du Booker Prize, elle est en plus de ça une auteure au succès public retentissa­nt dans les pays anglo-saxons. Pourtant, il aura fallu l’adaptation en série télévisée de La Servante écarlate ( The Handmaid’s Tale en VO) pour qu’elle soit enfin mieux connue du grand public français, un peu à la traîne. La série d’anticipati­on féministe, avec une Elisabeth Moss ( Mad Men, Top of the Lake) éblouissan­te, a fait ressurgir la puissance de son oeuvre ainsi que son étonnante actualité. L’auteure canadienne, 77 ans au compteur, tient assurément une place à part. Faire d’elle un écrivain de SF serait une erreur. Avec des oeuvres magistrale­s comme la trilogie du Dernier Homme, elle a façonné son propre genre : elle est la romancière de la prémonitio­n. Elle se nourrit de notre malaise et, même en déversant tous les cauchemars de l’humanité dans ses livres, elle nous maintient les deux pieds ancrés dans la réalité. Pour que jamais nous ne nous rassurions – après tout, il ne s’agit que d’une fiction, hein… Face au miroir déformant de notre propre vie, les interrogat­ions de la prophétess­e Atwood résonnent comme un écho : jusqu’où irez-vous pour survivre ? Quels compromis seriez-vous prêt à faire ? Qu’est-ce qui fait qu’un homme puisse sacrifier ce qu’il a de plus cher ? Son dernier roman, l’épatant C’est le coeur qui lâche en dernier, ne déroge pas à la règle, la réalité qui y est dépeinte fait froid dans le dos.

J’IRAI DORMIR CHEZ VOUS

Quand une crise économique sans précédent frappe les États-Unis, Stan et sa femme Charmaine, sont réduits à survivre dans une carcasse de voiture. Comme tant d’autres, ils ont tout perdu, leur maison, leur travail, leur dignité. L’espoir renaît quand Charmaine tombe sur une publicité lui promettant « la vie qu’elle a toujours voulu ». Sans même réfléchir, les voilà en route pour la ville de Consilienc­e où une nouvelle forme sociale est censée être le gage d’une vie meilleure. Le système est simple : pour le bien de la communauté, Stan et Charmaine doivent mener deux vies en alternance avec un autre couple : un mois de prospérité avec un travail et une maison, l’autre mois, nourris et blanchis dans une prison d’État. Avec une règle d’or : ne jamais rentrer en contact avec les « Alternants ». Derrière le paradis se cache souvent l’enfer et les interdits sont si faciles à braver… À la manière d’Aldous Huxley ou du Cormac McCarthy de La Route, Margaret Atwood nous donne à voir un monde terrifiant où les démons de l’Homme ont pris le pouvoir. Parce que c’est bien de notre nature dont il est question. L’Homme qui, alors même que l’apocalypse s’abat sur lui et qu’une forme de société totalitair­e entend domestique­r son esprit, perd peu à peu le contrôle et laisse ressurgir ses vices les plus enfouis. Merci qui ? Merci Mam’ Maguy.

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