JE SUIS BOURU !
Je vous écris ceci du fin fond de ma campagne. Bien calé dans mon fauteuil Ercol, je me remets doucement des vingt allersretours qu'il m'a fallu pour entrer le bois et le stocker au bout du jardin. Épuisé par le transport des deux stères livrés, je n'omets pas de raconter illico le périple sur Instagram, transformant comme il se doit une activité confondante de banalité pour des millions de Français en « story » calibrée pour réseau social. L'arrivée de la commande, leur photogénique acheminement (ah, la beauté de cette vieille brouette rouillée), la poignée de bûches rangées avec soin dans le cageot jouxtant le poêle et, enfin, l'allumage du premier feu de la saison... Résultat ? Une soixantaine de coeurs pour ces quelques clichés. Un hit !
Il y a pile un an, je quittais donc, avec femme et enfant, notre exigu appartement du dixième arrondissement de Paris pour venir vivre « à la campagne ». Je me croyais follement original. Fraîchement installé dans ce charmant village de l'Oise (population : 3 000), à 35 kilomètres de Paris, je m'imaginais en Henry David Thoreau (l'auteur de Walden ou la Vie dans les bois, ouvrage de référence pour ceux visant l'autonomie agricole) des temps modernes, élevant mes poules et cultivant fruits et légumes dans un potager de compét', quittant le jardin uniquement pour emmener le petit à l'école à dos d'âne en récitant du Pagnol. La réalité allait vite me rattraper.
Je commençai pourtant humblement, plantant des graines de citrouilles trouvées dans un kit « spécial Halloween » pour enfant. Première tentative, premier flop : le fruit n'émergea jamais. Même chose avec les animaux : accueillir le lapin que vous voyez en une du magazine servit surtout à me convaincre de la supériorité de la peluche sur ces crotteurs sur pattes... (Pour la ferme permaculturelle, on repassera.) Bien sûr, ces échecs ne suffirent pas à m'excuser des diverses tâches jardinières qui m'incombent depuis notre aménagement ici : tondre le gazon ; apprendre à distinguer et à arracher les mauvaises herbes ; tailler les rosiers, la vigne... Autant d'activités que j'exécute avec le stoïcisme d'un moine zen – avant d'en rendre compte sur Instagram avec l'empressement d'une blogueuse lifestyle.
Au cours des douze derniers mois, je découvris surtout : 1) l'existence de douzaines de familles dans notre cas, chacune ayant quitté Paris pour trouver dans ces zones limitrophes une vie plus agréable et rurale, et 2) l'intérêt non-feint pour nos choix de vie par nos amis restés à Paris. Soit ils avaient franchi le pas et tentaient une vie BouRu (pour « bourgeois-rural », un terme que nous inventons ici pour décrire le phénomène), soit ils en rêvaient.
De là à dire que nous sommes tous BouRus...
Bonne lecture, on se retrouve pour la récolte des endives (début novembre donc),