Technikart

LE CAGEOT, STAR DE LA SAISON

PASSÉ D'UN HUMBLE USTENSILE DE MANUTENTIO­N À L'OBJET DÉCO LE PLUS PRISÉ DES NÉO-RURAUX, LE CAGEOT D'ANTAN FINIRA-T-IL ACCROCHÉ AUX MURS DE MUSÉES ?

- MARC GUEGUEN www.truffaut.com ENTRETIEN ANNA SLEE

Il paraît que vous êtes en partie responsabl­e de la mode du cageot. À quel moment précisémen­t la caisse en bois est-elle devenue tendance ? Marc Gueguen (directeur R&D Truffaut) : Il y a quelques années, si vous vouliez faire du rangement, vous achetiez des caisses en plastique. Très pratiques, mais très moches ! On ne pouvait pas les mettre dans une pièce de vie… Donc vous lancez la production de jolis cageots, vendus environ 20 euros pièce ? Ça s'est fait naturellem­ent. Il y a huit, dix ans, on vendait des bulbes de tulipe venus de Hollande, et ils nous les avaient livrés dans les caisses en bois qu'ils utilisaien­t à la production. Et les clients nous demandaien­t s'ils pouvaient les acheter. Donc l'idée est partie de là. Plutôt que de proposer la caisse classique en petites lamelles de bois, on a fait fabriquer un cageot en chêne. C'est un produit pur, naturel, et qui a une histoire – c'est le plus important. Il doit être si beau qu'on n'a même plus besoin de le remplir pour justifier de sa présence dans une pièce ! Et que dit ce récent désir du cageot sur l’évolution de notre société ? Ah ah, la colle ! Je dirais que c'est plutôt une tendance liée à une prise de conscience générale. Il existe une volonté dans nos sociétés de redonner du sens, aussi bien au politique et au social qu'à notre façon de consommer. Et acheter ce genre de produit « néo-rustique » permet aussi de lâcher prise en se reconnecta­nt avec la vie naturelle – sans tourner le dos à la vie moderne. J'irai même plus loin : plus les gens iront sur internet, plus ils ressentiro­nt le besoin de semer des graines ! Plus nos vies sembleront impersonne­lles, plus nous aurons envie de retrouver des choses simples. Ce qui peut se traduire par : vivre sa ruralité à temps partiel ? Ces derniers temps, je remarque l'émergence d'une génération « tomate-cerise ». On a été les premiers à vendre des tomates en pot pour que nos clients puissent en mettre sur leur balcon ou leur terrasse. Du coup, même sans jardin, on peut avoir un petit ramequin avec des tomates de couleurs différente­s ; c'est toujours plus sympa de proposer à ses invités des fruits ou des légumes qui ont poussé chez soi que d'ouvrir un paquet de chips, non ? Et si on fait pousser un mini-potager, c’est pour ce plaisir de partager sa récolte, pas pour en vivre à l’année. Absolument. Vous pouvez commencer par des choses simples : un potager d'expériment­ation avec des tomates-cerises, du basilic, peut-être un fraisier… Des plaisirs simples et ponctuels. Ici à Technikart, on a l’impression de voir arriver une tendance lourde avec des « bourgeois-ruraux » (BouRu), souvent citadins, de plus en plus désireux de reconnecte­r avec les valeurs de la campagne. Vous confirmez ? Je suis assez d'accord avec vous. C'est une tendance intimement liée à beaucoup d'autres : l'intérêt actuel pour l'environnem­ent, l'écologie, le bio… Qui s'explique par une envie de certaines réminiscen­ces. Comment ça ? Si l'on regarde les plantes les plus populaires, comment expliquer le succès des graminées, qui font un carton en ce moment ? Elles ne demandent pas beaucoup d'entretien, c'est vrai, mais elles sont surtout évocatrice­s des blés des champs, des fleurs sauvages, elles sont en mouvement dès qu'il y a le moindre vent… Ces plantes photogéniq­ues font un malheur à l’ère d’Instagram. C'est vrai : les amateurs de tout ce qui est « DIY » ( do it yourself), qui publient énormément sur les réseaux, apprécient les plantes succulente­s et les cactées, c'est une tendance très très forte. Ce sont des plantes décorative­s et colorées qui sont assez faciles à entretenir, et particuliè­rement photogéniq­ues pour qui sait bien les assembler. Vous êtes directeur des recherches. Quelles sont les prochaines tendances pour le citadin néo-rural selon vous ? Pouvoir produire des légumes et des aromatique­s chez soi, sans avoir ni un balcon ni un jardin. Mais la technologi­e doit suivre, surtout au niveau de l'éclairage. C'est une tendance qui commence à prendre de l'ampleur au Japon, où ils ont développé l'armoire à légumes… Un bel objet, propre, un « meuble d'appartemen­t ». C'est le futur !

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