TÉHÉRAN TABOU
ALI SOOZANDEH ★★★☆ Loin des effets de perspective et des jeux de hors-champ (traditionnels subterfuges pour contourner la censure), l’Iranien Ali Soozandeh opte pour l’animation arty. Vivant aujourd’hui en Allemagne, il s’arme ici de la palette graphique pour révéler les tabous de la République islamique d’Iran et en exposer les transgressions. Image publique et perversions privées, jours agités et nuits polissonnes, le film fonctionne comme un poème déambulatoire collectionnant les visions trasho-bariolées. Dans un quartier de Téhéran, de hauts immeubles abritent ceux qui souffrent de ne pouvoir s’adapter à cette société : une prostituée qui trimballe son fils muet et lui file un chewing-gum avant chaque passe, une femme mariée coincée entre une belle-mère dévote et un beau-père diabétique qui regarde des clips érotiques en bouffant des sucreries, un jeune musicien menacé qui court après une hyménoplastie à la suite d’une levrette dans les toilettes d’un night-club. Et eux-mêmes croiseront des tueurs de chatons et des hommes pendus sur la place publique. La violence n’a pas de limites. La reconstitution du décor urbain, entre vétusté et modernité, l’éclat des éclairages, les ombres mobiles, le réalisme des traits de visages – grâce à la technique de la rotoscopie, Téhéran Tabou fixe les traces du réel et figure l’infigurable : cette tendance inassouvie de l’humanité à se détruire.
En salles le 4 octobre LÉONTINE BOB